Croyant s’entretenir avec le Président suisse, Ueli Maurer, le représentant spécial des États-Unis pour le Venezuela, Elliott Abrams, a insisté sur le gel des comptes de sociétés et fonctionnaires vénézuéliens et aidé à organiser une attaque médiatique contre une fondation choisie au hasard par des prankeurs, a expliqué à Sputnik l’un des organisateurs du canular téléphonique, Alexeï Stoliarov.
Les imitateurs russes Vladimir Kouznetsov, alias Vovan, et Alexeï Stoliarov, alias Lexus, ont contacté le bureau de M.Abrams le 19 février, dans l’espoir d’apprendre le rôle de Washington dans le coup d’État au Venezuela et les projets du département d’État concernant ce pays. Se faisant passer pour le Président suisse, M.Stoliarov a annoncé à M.Abrams que des personnes de l’entourage du Président Maduro ainsi que la société pétrolière vénézuélienne PVDSA avaient des comptes en Suisse.
«M.Abrams a insisté pour que tous ces comptes soient gelés en Suisse comme c’était déjà le cas aux États-Unis, sans toutefois fournir de preuves montrant que ces comptes étaient illégaux. M.Abrams a en outre déclaré que si la Suisse ne gelait pas les comptes et si l’argent de M.Maduro quittait le territoire suisse, elle pourrait être visée par une plainte de Juan Guaido après son arrivée au pouvoir», a indiqué M.Stoliarov.
«M.Abrams nous a envoyé une liste des personnes frappées par des sanctions américaines, qui comprenait les noms de plus de 100 citoyens vénézuéliens, y compris des membres du gouvernement Maduro», alors que les imitateurs lui avaient envoyé une liste de personnes et sociétés vénézuéliennes qui «auraient des millions dans les banques suisses», a précisé M.Stoliarov.
Croyant que la Suisse avait «gelé» les comptes de plusieurs fonctionnaires vénézuéliens au profit de M.Guaido, M.Abrams a «remercié pour cette aide et a dit avoir contacté le ministère des Finances chargé d’appliquer les sanctions».
Carlos Vecchio a, quant à lui, adressé plusieurs courriels aux prankeurs, qu’il a envoyés à partir du serveur de l’Université Yale (@aya.yale.edu). Sputnik dispose des captures d’écran de ces messages qui montrent l’évolution d’une attaque médiatique contre un fonds que les prankeurs ont présenté comme cachant des actifs personnels de M.Maduro.
«Nous avons déclaré avoir trouvé un fonds, Tender First (Nurlan Baidilda Ltd), où se trouveraient des actifs de M.Maduro. Ce fonds a été pris au hasard en raison de sa publicité trop présente sur les réseaux sociaux», a confié l’un des auteurs du canular.
M.Vecchio a décidé d’attaquer ce fonds dans les médias. Il a même «demandé de lui envoyer un projet de déclaration pour ne pas se tromper», d’après M.Stoliarov. Peu après, l’agence Bloomberg a publié une interview de M.Vecchio consacrée à ce sujet. Les prankeurs avaient eu l’occasion d’étudier ce texte avant sa publication: M.Vecchio les avait invités à y apporter des corrections si nécessaire.
Des messages sur le fonds Baidilda sont également apparus sur le compte Twitter de M.Vecchio qui compte 900.000 abonnés.
2.We are conducting an investigation to recover stolen assets. As a result, we have good reason to believe that a large part of these funds is located in the Fund Nurlan Baidilda Ltd. in an account belonging to the dictator @nicolasmaduro.
— CARLOS VECCHIO (@carlosvecchio) 25 février 2019
Ce fake a été repris par des médias hispanophones, une startup médiatique russe et plusieurs chaînes Telegram.
Début mars, les blagueurs Vovan et Lexus ont eu un autre entretien téléphonique avec M.Abrams qui a notamment expliqué que les États-Unis n’avaient pas l’intention de lancer une opération militaire au Venezuela, mais faisaient pression sur l’armée de ce pays en vue de renverser le gouvernement de Maduro, a noté M.Stoliarov.
«Le dossier du Venezuela n’est pas clos. Ce n’est que le début et vous entendrez bientôt une suite intéressante», a conclu le farceur.
Elliot Abrams, représentant spécial des États-Unis pour le Venezuela depuis janvier, est surtout connu pour son implication dans le scandale de l'Iran-Contra (Irangate) qui a éclaté pendant la présidence de Ronald Reagan. Jugé en 1991, il a plus tard été gracié par le Président George Bush père.