«L'exécutif vend au plus offrant des éléments essentiels de l'indépendance de la France. Le gouvernement hollandais garde la propriété du grand aéroport d'Amsterdam Schiphol et nous on va l'abandonner [Aéroports de Paris, ndlr] pour rien! En plus, c'est une mauvaise affaire financière, puisqu'on va perdre une source de revenus importante pour la remplacer par des fonds placés à 2%, qui ne rapporteront rien», s'emporte Nicolas Dupont-Aignan au micro de Sputnik France.
Le président de Debout la France (DLF), fustige «un scandale de souveraineté», alors que nous l'interrogeons à ce sujet en marge de la présentation, le 28 février, de son projet de coalition pour les élections européennes.
L'élu évoque ainsi les 300 millions euros annuels que le gouvernement espère retirer du nouveau fonds pour l'innovation et l'industrie. Un fonds doté de 10 milliards d'euros, alimenté par privatisations. Un montant, pour l'heure hypothétique, bien loin du montant des dividendes que touche l'État grâce à ADP, la FDJ et Engie.
En 2017, ces entreprises ont ainsi rapporté à l'État près de 850 millions d'euros de dividendes (1,4 milliard et 1,5 milliard respectivement en 2016 et 2012), des chiffres que mettait en avant le député de l'Essonne en septembre dernier, lorsqu'il interpellait à l'Assemblée nationale, le ministre de l'Économie, fustigeant une «absurdité financière totale».
«On en a assez de voir brader notre souveraineté!», fulmine Nicolas Dupont-Aignan au micro de Sputnik, estimant que ce projet, «très grave […], participe à un conflit d'intérêts, participe d'une république bananière».
Le président de DLF met en garde le gouvernement d'Édouard Philippe contre «la plus mauvaise affaire que l'on ait connue depuis la privatisation des autoroutes.» L'opération est en effet controversée: elle a été entérinée au début des années 2000, alors que les autoroutes venaient enfin de devenir profitables pour l'État. Des actifs qui depuis offrent une «rentabilité exceptionnelle» aux sociétés concessionnaires, pour reprendre les mots de l'Autorité de la Concurrence dans un rapport de septembre 2014.
Le palmipède souligne ainsi que la somme des dividendes reversés par ces entreprises à leurs actionnaires depuis 2006- date de la privatisation des six sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes (SEMCA) «historiques»- excède la somme déboursée à l'époque pour acquérir les concessions autoroutières.
«Si l'État n'avait pas privatisé dans les conditions où il l'a fait, il aurait aujourd'hui encaissé plus d'argent et continuerait même de recevoir des dividendes qui, désormais lui sont interdits!» assène le Canard Enchainé.
Aujourd'hui, Bruno Le Maire tient à éviter tout rapprochement avec ce cas d'école qui ressurgit régulièrement dans la presse. Lors d'un entretien accordé à La Tribune, mi-février, le ministre de l'Économie se défendait de vouloir effectuer toute «privatisation sèche» d'ADP, évoquant une opération «très proche de la délégation de service public», sous la forme d'une concession de 70 ans.
Le locataire de Bercy met en avant «un cahier des charges volontairement contraignant» ainsi que «l'accord explicite de l'État» que les futurs gestionnaires devront demander lors des révisions de tarifs tous les cinq ans, afin «de ne pas renouveler les erreurs commises lors de la cession des autoroutes».
Des arguments du ministre de l'Économie qui ne convainquent pas Nicolas Dupont-Aignan. Il souligne le rejet par le Sénat du volet de la loi «Pacte» dédié aux privatisations, ainsi que de la mobilisation, au-delà des clivages politiques traditionnels, contre cette décision du gouvernement. L'élu de l'Essonne évoque notamment la pétition lancée par la journaliste et essayiste Coralie Delaume. Pétition qui, ce 04 mars, a franchi la barre des 80.000 signataires.
«Est-ce que vous connaissez quelqu'un qui vend un appartement qui lui rapporte 8% pour placer ses économies dans une banque qui lui rapporteront 2%? […] Si vous connaissez quelqu'un d'aussi con, bah dites-moi! Soit il est con, soit il est malhonnête, je ne sais pas, je lui laisse le choix…» conclut Nicolas Dupont-Aignan.