Il était difficile ce mardi d'accéder à la place de la République à Paris, non pas parce qu'une foule de Français s'y pressait pour manifester contre l'antisémitisme, mais parce qu'une grande partie de la place était bloquée pour que ministres, députés, chefs de parti et ex-Présidents — qui voulaient protester contre l'antisémitisme — puissent arriver dans leurs limousines et se garer aux alentours. Au moins, c'est ce qu'estime Georg Blume, journaliste de l'hebdomadaire Der Spiegel dans son article daté du 20 février.
Selon lui, la foule restait silencieuse, tout en se laissant porter vers les bords de la place de la Rébublique sans maugréer, n'entonnait pas de chansons et ne s'est mise à chanter à voix basse l'hymne national qu'à la fin de la soirée, «comme s'il s'agissait d'une manifestation d'État et non pas d'une manifestation du peuple».
Alors que les hommes politiques, actuellement au pouvoir ou non, se disaient solidaires face à la menace antisémite, le peuple n'était qu'un «spectateur» et restait silencieux et craintif, poursuit le journaliste. «On a peur», se rappelle-il les paroles d'une dame âgée présente alors sur place. Elle a préféré garder l'anonymat, car elle fait, selon le correspondant, partie de «la communauté juive effrayée de Paris».
«Or, tout devait s'arranger ce soir. Même les médias, qui ont l'habitude de remettre toutes les informations en question, indiquent que le nombre de manifestants présents ce soir s'élève à environ 20.000 personnes, comme l'estiment d'ailleurs les organisateurs. Sans doute, il y en a nettement moins, mais beaucoup de médias y souscrivent. On parle d'une foule dense place de la République sur BFM TV et dans le journal Le Monde», indique le journaliste.
Selon le journal Le Figaro, auquel se réfère M.Blume, au moins 200.000 Français avaient manifesté le 14 mai 1990 aux côtés du Président Mitterand contre l'antisémitisme. Or, aucun ministre et aucun ex-Président n'en parlait ce soir; ce ne sont que des personnes âgées dans la foule qui le faisaient, d'après le correspondant. «Elles, elles ne se font pas d'illusions», conclut-il.