«Aujourd'hui, il n'y a plus que des Noirs qui commettent des crimes contre l'Humanité. Il n'y a que des Noirs, c'est connu, donc effectivement, la CPI apparaît aujourd'hui comme surtout un tribunal politique.»
Par ces propos caustiques, François Mattei, auteur du livre Libre pour la vérité et la justice, (Éd. Max Milo) dénonce l'existence même de la Cour Pénale Internationale. Siégeant à La Haye, elle ne constituerait qu'une justice pour les vainqueurs en Afrique. Une déclaration qui fait écho à l'acquittement le 15 janvier dernier de Laurent Gbagbo, ancien Président de Côte d'Ivoire, après sept années de détention, une décision qui n'a pourtant pas permis sa libération. Ce qui fait bondir François Mattei.
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Un témoignage précieux de quarante minutes qui nous permet de mieux décrypter les dessous des relations franco-ivoiriennes de la part d'un protagoniste direct: Laurent Gbagbo est en effet coauteur de l'ouvrage. Le journaliste déclarant entretenir une relation de confiance et même d'amitié avec l'ancien chef d'État, difficile d'y trouver une quelconque objectivité, mais là n'est pas le propos. L'idée est plutôt d'entendre la parole de Laurent Gbagbo, dirigeant africain pendant plus de dix ans puis mis au cachot hollandais, accusé de crimes contre l'Humanité.
Quatre charges principales nourrissent l'acte d'accusation de l'institution internationale: la répression d'une marche de femmes, l'attaque de la Radiodiffusion-télévision ivoirienne, le bombardement d'un marché et des combats. François Mattei parle ainsi d'un total de 16.000 morts durant la crise postélectorale, victimes d'un contexte de guerre civile:
«En réalité plus de 16.000. Officiellement, on va vous parler de 3.000 et dans le dossier de la CPI, je rappelle au passage qu'il est retenu à peu près de 168 morts à la charge des forces de sécurité de Gbagbo, qui faisaient, si on l'écoute, du maintien de l'ordre. Il était Président de la République et il y avait des troubles, il y avait une guerre civile, donc c'est très difficile à compter. Vous savez, quand il s'agit de l'Afrique, ici en Occident, on ne compte pas trop les morts.»
Mais pour l'ancien chef d'État, la question qui se pose est le résultat de l'élection présidentielle de novembre 2010. Au deuxième tour du scrutin, Alassane Ouattara revendique avoir gagné avec 54,10% des voix, résultat reconnu par l'Onu, de nombreux États africains, la France et les États-Unis, alors que Gbagbo aurait gagné avec 51,45% des voix, une victoire reconnue par le Conseil Constitutionnel. Alors que Gbagbo réclame le recompte des bulletins des vote, les forces onusiennes présentes auraient organisé leur destruction, nourrissant de très fortes suspicions sur des fraudes massives. Mattei évoque ainsi dans son livre-entretien le cas de la ville de Bouaké, fief d'Ouattara au nord du pays, qui aurait comptabilisé 250.000 votes pour 150.000 inscrits:
«Il y a eu de multiples fraudes dans le nord, le nord était contrôlé par les rebelles, qui étaient à la solde d'Ouattara, parce qu'Ouattara a financé la rébellion, de l'aveu même des rebelles […] la France a aidé les rebelles à entrer en Côte d'Ivoire et le pays était occupé à 60%, donc les élections se sont passées dans ce contexte-là, ce qui est très compliqué. Il y a eu donc des bureaux de vote où la totalité du scrutin allait à 100% à M. Ouattara.»
«L'armée ivoirienne, donc l'armée régulière, affronte les rebelles et les aurait battus à plate couture à Abidjan si l'armée française n'était pas intervenue et si les troupes de l'ONUCI n'avaient pas transporté les rebelles […] Les blindés français sont allés jusqu'à la résidence de Gbagbo, c'est eux qui ont enfoncé à coup de canon le portail d'entrée, qui sont entrés et ont ouvert la porte aux rebelles pour qu'ils puissent l'arrêter. Sans l'armée française, il est évident que les rebelles n'auraient pas pu renverser Gbagbo.»
Pourquoi Nicolas Sarkozy s'est-il tellement investi pour destituer son homologue ivoirien? Il est vrai, la présidence Gbagbo a été marquée par de forts contentieux avec tout d'abord Jacques Chirac, puis Nicolas Sarkozy. L'affaire du bombardement de Bouaké, tuant 9 militaires français et un civil américain en 2004, n'y est certainement pas étrangère. L'avocat français Jean Balan se bat depuis de longues années pour que la vérité éclate. Trois anciens ministres, Mme Alliot-Marie, M. Barnier et M. de Villepin pourraient être bientôt entendus sur le sujet par la Cour de Justice de la République. Quant aux pilotes biélorusses coupables de l'attaque, ils se seraient volatilisés:
«Ils ont d'abord été entendus par les Français sur place. Il faut savoir que les Français les filmaient à la suite de cette mission dramatique. Ils ont été filmés, il y a des films, on les voit descendre de l'avion, donc on les filme, mais on ne les arrête pas. Ils partent au Togo, ils sont exfiltrés vers le Togo et au Togo le doigt sur le doigt sur la couture du pantalon, les autorités togolaises appellent la France en disant: on les tient, parce qu'ils les arrêtent, ils ont assassiné en principe neuf militaires français. Et pas de réponse. On n'en veut pas. Donc finalement, ils s'en vont du Togo et depuis, on n'a plus de nouvelles. On a leurs noms, on sait qui ils sont, personne n'a voulu les entendre, donc on suppose qu'on ne voulait pas qu'ils soient entendus parce qu'ils avaient des choses à dire sans doute ou des choses à cacher certainement.»
«Je rencontrais les Serbes quand j'allais en prison, c'était les seuls Blancs d'ailleurs.»
Laurent Gbagbo pourrait ainsi être libéré très prochainement, la prochaine audience à La Haye est prévue ce vendredi 1er février. Pour un éventuel retour en politique pour les élections présidentielles de 2020?