A Grand Bougtheroulde, dans l'Eure, devant un parterre de 600 maires normands, le chef de l'État français n'a pas faibli tout au long des sept heures durant lesquelles il a lancé le grand débat national. Ce marathon a été marqué par trois prises de parole et de longs moments d'écoute des interventions des maires et de prise de notes.
Muet ou prenant le micro, Emmanuel Macron a montré une grande variété de gestes. Dans un entretien accordé à Sputnik, le spécialiste en communication non-verbale et auteur du livre Vos gestes disent tout haut ce que vous pensez tout bas, Stephen Bunard, déchiffre le sens que les gestes du Président de la République ont ajouté à sa communication orale.
Fin d’un premier temps de dialogue à Bourgtheroulde. Le Grand Débat National doit aussi nous permettre d’inventer une nouvelle forme de démocratie. Merci aux maires présents pour ces longs échanges! pic.twitter.com/jY2CavJBQV
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) 15 января 2019 г.
L'expert constate que le chef de l'État «a été globalement très préparé, très à l'aise dans ses réponses» et invite à prêter une attention particulière à ses mains, expliquant aussi comment sa gestuelle reflète les processus de réflexion.
«C'est ce qui est très intéressant, c'est la façon avec laquelle il bascule le micro quand il est sur des sujets très didactiques, très explicatifs, c'est la main droite qui vient. C'est la partie gauche de son cerveau qui est en ce moment-là dans l'animation, et donc il essaye d'argumenter. Et certains sujets, certains moments, c'est sa main gauche qui doit être libérée, […] c'est un choix qui est fait d'une manière inconsciente, qui va nous indiquer finalement quand il est sur la main gauche les sujets sur lesquels il est très à l'aise et auxquels est très attaché. Et quand il est plus sur la main droite — le soucis qu'il a est de convaincre.»
Manipulations avec le microphone du Président de la République lors du lancement du grand débat national pic.twitter.com/pgzloo9tzX
— Catherine (@katesputnik) 17 января 2019 г.
"Toutes les questions sont ouvertes, il ne doit pas y avoir de tabou": Emmanuel Macron lance le grand débat national devant des maires
— franceinfo (@franceinfo) 15 января 2019 г.
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Moyens de persuasion
Globalement, la solution ne réside ni dans le contrôle des gestes ni dans leur fabrication, souligne M.Bunard. La façon dont Emmanuel Macron prend la parole, «trop soignée, trop travaillée», se transforme finalement en «exercice de communication» où il faut faire des efforts pour trouver de l'authenticité. Elle est tout de même présente dans sa réponse à une maire sous la forme de «l'effet de focalisation»: le Président de la République la regarde droit dans les yeux, bien plus que ce que la moyenne exige, et manifeste ainsi une capacité de conviction «qui est assez forte chez lui», constate l'expert.
«L’effet de focalisation» d'Emmanuel Macron pic.twitter.com/owVnwjBu11
— Catherine (@katesputnik) 17 января 2019 г.
«L'effet de sincérité» est assuré grâce aux doigts joints dans la main, ajoute M.Bunard.
Gestes habituels vs langage corporel plus libre
Dans la première partie du débat lorsqu'il parle de la «fracture démocratique» qui s'est produite au moment du référendum de 2005 sur la Constitution européenne, Emmanuel Macron a un geste «d'hésitation» de la main gauche, rajoute-t-il:
«Ca marque que pour lui, c'est quelque chose, ce référendum qui est un point historique de départ d'une fracture avec le peuple. C'est le tempérament européen Macron qu'il faut voir là, il laisse supposer qu'il ne sera pas totalement absent de la campagne européenne, qu'il est assez convaincu. Enfin c'est un sujet sur lequel il aurait envie de dire plus mais il a peur de réveiller des fantômes là».
Un geste «d’hésitation» de la main gauche pic.twitter.com/oTbqX1HF8y
— Catherine (@katesputnik) 17 января 2019 г.
Lorsqu'il demande aux maires de proposer des solutions, «sa tête penche à gauche, ça c'est caractéristique d'une recherche d'empathie».
Son langage corporel habituel se caractérise par des «microdémangeaisons» sur le visage et notamment autour du nez, «le nez étant l'expression de son image». Or, il va parfois au-delà de ses gestes traditionnels, pointe M.Bunard.
«Il n'a pas la gestuelle habituelle quand il est gêné. Il a, au contraire, une gestuelle qui est plus libérée que d'habitude à l'heure même qu'il a un micro et un micro n'est jamais un ami pour les orateurs.»
Position en écoutant comme «dans le match»
Le Président de la République a aussi passé de longs moments assis, à écouter les maires: on voit tout le monde droit, le dos sur le dossier de sa chaise, tandis que la posture d'Emmanuel Macron est différente.
«Il a le corps en avant, un coude posé sur sa jambe et puis et donc, c'est la volonté claire d'être dans le match. Après des sujets, des moments où il a été plutôt en avant vers la droite et la main sur la jambe droite et parfois plutôt en avant vers la gauche, la main sur la jambe gauche. Là, cela a du sens parce que quand on est en avant vers sur la droite, on appuie sur la jambe droite, cela correspond à ce qu'on appelle la position sur la chaise et cela peut vouloir dire qu'il est dans une position un peu plus défensive et peut-être une position où il va aller un peu plus à l'attaque. Alors que quand on est sur une position orientée vers la gauche, on est sur une position de conviction plus molle et sur des sujets qui comptent moins.»
Macron lors du grand débat: «Il a le corps en avant, un coude posé sur sa jambe et donc c’est la volonté claire d’être dans le match», dit @StephenBunard, expert en communication non-verbale pic.twitter.com/T3D3AlIJZw
— Catherine (@katesputnik) 17 janvier 2019
Message global
Les Français, tant citoyens que maires, pourraient-ils croire que leurs espérances se réaliseront enfin?
«Son langage corporel laisse penser qu'il n'est pas dans un exercice de posture, mais qu'il a pris la mesure de ce qu'il est nécessaire de faire», explique M.Bunard, résumant qu'il y a des «signaux qui montrent son engagement». «Je pense qu'il s'appuie beaucoup sur les maires et une recherche d'empathie, c'était une sensation de les remettre dans le jeu à un moment donné où les maires se sont un petit peu délaissés en France», conclut l'expert.