Évoquant pour les lecteurs la décision du Président américain de retirer ses troupes de Syrie, les journalistes du Monde, le spécialiste de la diplomatie Marc Semo et l'expert du Moyen-Orient Allan Kaval, ont estimé que ce retrait pourrait avoir pour conséquence le rapprochement des Kurdes avec Damas et qu'il existait deux scénarios possibles du point de vue des autorités kurdes.
«La guerre: un retrait précipité des États-Unis produit un effet d'aubaine pour la Turquie et pour le régime», commence Allan Kaval. «Les positions des FDS [Forces démocratiques syriennes, ndlr] sont prises en étau et font l'objet d'un double assaut militaire. Elles tentent de résister malgré un rapport de force défavorable.»
Deuxième scénario possible, ce serait le «compromis politique avec le régime»: «un retour négocié de l'État syrien est organisé. Des combats de grande ampleur peuvent être évités. Damas a d'ores et déjà communiqué ses conditions, drastiques. En position de faiblesse, les marges de négociations de l'encadrement kurde sont singulièrement étroites», a-t-il poursuivi.
Ce scénario B, bien que «périlleux», «a la faveur de l'encadrement kurde», a affirmé M.Kaval. Quant au Président syrien, il sera aussi le «grand gagnant» de ce «retrait précipité» des militaires américains:
«On peut formuler l'hypothèse que, face au danger d'un assaut turc au nord, les Forces démocratiques syriennes (FDS), à dominante kurde, et leur encadrement politique, n'auraient d'autre choix que de passer un accord avec le régime de Damas qui investirait à nouveau les territoires dont les FDS ont pris le contrôle après leur campagne contre l'État islamique*», a estimé le spécialiste du Moyen-Orient.
En même temps, le départ des Forces armées américaines et, dans le futur, de la coalition «se traduirait par un vide stratégique qui bénéficiera théoriquement à des acteurs extérieurs au nord-est syrien», poursuit-il, mentionnant, par exemple, la Turquie menaçant «d'une intervention depuis la frontière nord»
Marc Semo, spécialiste de la diplomatie, précise de son côté les intentions du Président turc:
«Pour le moment, Erdogan montre ses muscles et ne compte pas occuper le Kurdistan syrien, à la fois par faiblesse militaire et parce que cela signifierait un affrontement ouvert avec l'Iran et la Russie. Il veut neutraliser via le régime le PYD [Parti de l'union démocratique, ndlr], directement lié au PKK, le Parti des travailleurs du Kurdistan qui depuis 1984 mène la lutte armée contre Ankara.»
En outre, l'avancée des FDS pourrait être remise en doute «parce que les forces kurdes devront se repositionner: soit pour résister à des assauts extérieurs rendus possibles par le vide stratégique laissé par Washington, soit pour construire une nouvelle relation avec le régime syrien, qui se traduirait par de nouveaux impératifs.»
Le 19 décembre, Donald Trump a annoncé que les États-Unis avaient écrasé Daech* en Syrie, notant que la lutte contre ce groupe terroriste était la seule raison de la présence des militaires américains dans le pays. La Maison-Blanche a plus tard publié une déclaration annonçant que les États-Unis avaient commencé à retirer leurs troupes de Syrie. Les dirigeants des SDF ont qualifié jeudi la décision de Washington de prématurée puisque les terroristes de Daech* ne sont pas encore complètement défaits en Syrie.
*Organisation terroriste interdite en Russie