La France de nouveau hors-jeu face aux autres puissances en Syrie?

© AFP 2024 Ludovic MARIN/POOLEmmanuel Macron
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Alors que la Russie, l’Iran et la Turquie ont proposé à l’Onu une liste commune qui pourrait rénover la politique en Syrie, que Daech* alterne entre victoires et défaites et que les Kurdes sont sous la menace turque, Jean-Yves Le Drian s’est exprimé ce 18 décembre sur la Syrie. La France pourrait-elle rester dans le jeu et s’imposer enfin en Syrie?

Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, essaye de nouveau de faire raisonner la voix de la France en Syrie. En marge de la préparation du prochain G7 qui se tiendra à Biarritz, le chef de la diplomatie a évoqué les craintes du gouvernement français face aux dernières évolutions syriennes.

Emmanuel Macron avait déclaré en décembre 2017 que la guerre en Syrie contre Daech* sera «gagnée d'ici mi, fin février [2018, ndlr]». En décembre 2018, Jean-Yves Le Drian réaffirme «l'absolue priorité»:

«Daech* conserve des positions territoriales dans l'est du pays. Leur reprise par les Forces démocratiques syriennes (FDS) avec le soutien de la coalition est l'absolue priorité.»

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L'intervention du ministre français des Affaires étrangères n'est en rien due au hasard. Si un certain nombre de djihadistes de Daech* se trouvent encore dans la région convoitée d'Idlib, c'est dans celle d'Hajin, —ville à proximité de l'Euphrate située au centre-est du pays- que se trouve leur dernier fief en Syrie. Et c'est dans cette zone que ce concentre les efforts de la coalition et donc de l'armée française: quatre des six avions de chasse sont des Rafales.

Aidées donc par la coalition, les Forces démocratiques syriennes (FDS) combattent au sol les factions de Daech* au sud-est du gouvernorat oriental de Deir ez-Zor. Ces forces, totalement hétéroclites, sont notamment composées par des arabes syriens proches de l'opposition et surtout par les Kurdes des Unités de protection du peuple, plus connues sous l'acronyme de YPG, une organisation considérée comme terroriste par Ankara. La bataille est rude et les derniers événements dans la région l'illustrent puisque si le 16 décembre ces forces étaient parvenues à chasser les terroristes d'Hajin et de ses environs, les combattants de Daech* ont repris certains quartiers le 17 décembre. Et si leurs forces se sont amoindries ces derniers mois, l'organisation terroriste serait encore capable de se redresser, ou du moins de résister, surtout si les forces kurdes se concentrent sur un autre ennemi: la Turquie.

En effet, le Président Erdogan ne cesse d'afficher sa volonté d'aller «se débarrasser» des milices kurdes qui occupent en Syrie tout le territoire qui borde la frontière turque, de Manbij à Al-Malikiyah.

«Nous pouvons enclencher nos opérations en Syrie à n'importe quel moment à partir des territoires qui correspondront à nos projets. […] Comme je le dis toujours, nous pourrions arriver une nuit, soudainement.»

Si ces déclarations belliqueuses d'Erdogan ne sont pas nouvelles, une offensive turque semble de plus en plus vraisemblable. L'armée turque amasse du matériel militaire à sa frontière sud tandis que les Kurdes se préparent au combat en creusant notamment des tranchées défensives comme à Kobané ou en rassemblant leurs forces comme à Ras al-Aïn. Les factions des YPG sont soutenues diplomatiquement et opérationnellement par les États-Unis.

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 Mais ces derniers pourraient les lâcher au profit d'accords et d'une meilleure relation avec la Turquie d'Erdogan, comme l'a affirmé ce dernier ce 17 décembre:

«Nous avons officiellement annoncé que nous allions lancer une opération militaire à l'est de l'Euphrate […], nous en avons discuté avec monsieur Trump et il a donné une réponse positive.»

La France serait-elle tentée d'envoyer Bernard-Henri Lévy pour sauver les Kurdes abandonnés des Américains? Une information qui n'a pas été confirmée, Washington continuant officiellement a adressé à Ankara des mises en garde?
Paris essaye-t-il donc de peser diplomatiquement et médiatiquement pour éviter un massacre? Jean-Yves Le Drian a insisté sur cette problématique:

«Il faut stabiliser les zones libérées de l'organisation terroriste [Daech*, ndlr] notamment par les forces kurdes et arabes que nous avons soutenues et qui ont consenti dans ce combat un sacrifice éminent.»

Cependant, la puissance française semble ne plus avoir son mot à dire dans les grandes décisions prises dans le dossier syrien.

Une absence de poids donc qui se retrouve aussi dans la question du règlement politique. Malgré la participation récente d'Emmanuel Macron au sommet d'Istanbul, en octobre dernier, la France n'a de nouveau pas été conviée lors de la dernière réunion organisée sous l'égide des Nations unies. En effet, ce mardi 18 décembre, seuls la Russie, l'Iran et la Turquie se sont retrouvés à Genève afin de présenter au futur ex-représentant de l'Onu, Staffan de Mistura, la troisième liste qui formerait le comité constitutionnel. Cette liste de 50 noms provenant de la société civile syrienne fait débat depuis de nombreuses semaines maintenant. Damas ne cesse de la rejeter et l'implication de de Mistura, qui a pu constituer sa liste, n'a jamais permis la création de ce comité. Un comité qui, une fois formé, aura la charge de réviser la Constitution de la République arabe syrienne.

De plus et pour conclure, notons que la France semble être la dernière grande puissance, du moins officiellement, à refuser que Bachar el-Assad puisse rester à la tête de son pays, comme l'a indiqué en point presse ce mardi 18 décembre la porte-parole du ministère des Affaires étrangères:

«Comme l'a indiqué à plusieurs reprises Jean-Yves Le Drian, il n'est pas réaliste d'envisager le maintien au pouvoir de Bachar el-Assad dans une Syrie réconciliée.»

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Si pour la Russie et pour l'Iran, en tant qu'allié de Damas, la question el-Assad n'est pas une priorité, elle semble même être mise de côté par les autorités turques et américaines. En effet, le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, a déclaré récemment que son pays pourrait coopérer avec Bachar el-Assad si ce dernier gagne des futures «élections démocratiques et transparentes», tandis que James Jeffrey, le représentant spécial de la diplomatie américaine pour la Syrie, a lui affirmé que les États-Unis ne cherchaient pas à «se débarrasser» d'el-Assad.

Si les intentions des uns et des autres sont bien évidemment d'une autre nature, la France maintient maintenant seule sa position.

Des dispositions qui pourraient être un frein important pour la France. En effet, Damas commence à normaliser ses relations diplomatiques. Le Président du Soudan, proche de l'Arabie saoudite, a rencontré tout récemment Bachar el-Assad. Et ce dernier devrait accueillir dans les prochains jours son homologue irakien.

*Organisation terroriste interdite en Russie

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