L'insuffisance des propositions d'Emmanuel Macron
Les appels à cesser le mouvement s’étaient multipliés sur les ondes des différents médias. Le fait que dans toute la France des manifestations aient eu lieu, et pas seulement à Paris ou dans les grandes villes, est une nouvelle preuve de la vitalité du mouvement.
Il faut alors s'interroger pour comprendre pourquoi l'allocution d'Emmanuel Macron n'a pas eu l'effet escompté. Son intervention, venant après celle prononcée le 14 novembre sur le Porte-Avions Charles de Gaulle ainsi que celle, calamiteuse, qui lui avait succédée le 27 novembre, avait certes semblé plus conforme à ce que l'on pouvait attendre d'un Président de la République. Mais, cette intervention n'a pas répondu aux revendications du mouvement.
Il en va ainsi de la soi-disant augmentation du Smic. Emmanuel Macron n'a pas promis une augmentation du Smic, mais une augmentation de certains revenus qui étaient au niveau du Smic. Il obtient d'ailleurs cette augmentation en combinant toute une série de mesures déjà envisagées par le gouvernement comme les hausses déjà prévues de la prime d'activité (30 euros en avril 2019, 20 euros en octobre 2020 et 20 euros en octobre 2021). Nous sommes ici loin, très loin, d'une augmentation de 150 à 200 euros du montant net du Smic qui était demandé par le mouvement des Gilets jaunes, une augmentation qui n'aurait fait que compenser le décrochage du Smic avec les gains de productivité depuis 1982. Les français peuvent y voir, à juste titre, une tentative de les «embrouiller».
Pour les retraités, il a promis l'annulation de la hausse de la CSG pour les retraites de moins de 2000 euros par mois. Ceci constitue un geste. Mais, il ne n'a rien dit quant à la désindexation des retraites par rapport à l'inflation. Or, ceci représentait un enjeu bien plus important pour les retraités que l'annulation de la hausse de la CSG. On sait que l'inflation en 2018 sera autour de 2% alors que la hausse des retraites ne sera que de 0,3%. Les retraités perdront donc en montant réel de leurs pensions 1,7%.
L'imaginaire anti-démocratique d'Emmanuel Macron
On doit aussi relever d'autres choses dans l'intervention d'Emmanuel Macron du lundi 10 décembre: «Les événements de ces dernières semaines dans l'Hexagone et outremer ont profondément troublé la Nation. Ils ont mêlé des revendications légitimes et un enchaînement de violences inadmissibles et je veux vous le dire d'emblée: ces violences ne bénéficieront d'aucune indulgence».
Que le Président dénonce des violences est normal. Mais, qu'il ne comprenne pas que c'est l'inaction, voire l'arrogance du gouvernement, et donc en définitive la sienne, qui a contribué à ces violences est très significatif. Car, si dès le 27 novembre nous avions eu les réponses, même insuffisantes, qui ont été depuis apportées il est très probable que ces violences eurent été moindres, voire n'auraient pas eu lieu.
Ensuite, ce passage démontre une méconnaissance, assurément voulue, des principes de la démocratie. Le rôle des partis est fixé dans la Constitution. On ne voit pas ce qui dans le demande d'une dissolution de l'Assemblée Nationale ou même dans celle de la démission du gouvernement, il pouvait y avoir, pour reprendre les termes d'Emmanuel Macron «seul projet était de bousculer la République, cherchant le désordre et l'anarchie».
La détérioration de l'image d'Emmanuel Macron
Le point le plus important qui ressort donc de l'allocution du 10 décembre est bien que l'image du Président semble aujourd'hui être irrémédiablement abimée. Elle est abimée par l'ampleur de la répression qui a frappé le mouvement social, avec des centaines d'arrestations arbitraires lors des manifestations du 10 décembre mais aussi des violences policières qui, ne sont pas tolérables dans un Etat de droit. Des personnes sont mortes, ou ont été estropiées. Les responsabilités doivent être établies et les coupables punis.
Elle est abimée, aussi, par le temps qu'il a fallu à Emmanuel Macron pour prendre la mesure de la colère populaire. Eut-il fait les mêmes annonces lors de sa longue (53 minutes) allocution du 27 novembre, que la situation ne se serait probablement pas dégradée au point où elle en est. En dépit de ses dénégations le manque d'empathie, et tout simplement de compréhension, du Président pour les français qui travaillent et qui voient leur situation empirer de mois en mois restera dans les esprits. Président des riches il était devenu après les premiers mois de son mandat; Président des riches il restera.
Elle est abimée, enfin, sur la scène internationale. Le Président jeune et réformateur s'est mué en un autocrate brutal et fermé aux revendications des français. Mais, le Président français a vu aussi son image considérablement abimée au sein de l'Union européenne. Il se voulait le champion d'une réforme approfondissant les mécanismes conduisant vers le fédéralisme. Avec un déficit annoncé désormais à plus 3,5% pour 2019 Emmanuel Macron va se retrouver sur la sellette tout comme le gouvernement italien. Ironie de l'histoire: il devra user des mêmes arguments que ceux utilisés par ces dirigeants qu'il condamnait naguère pour leur «populisme» supposé. Il n'est pas sûr qu'il apprécie. Emmanuel Macron sera dans l'incapacité d'argumenter pour les réformes auxquelles il semble tant tenir. L'effondrement de sa politique européenne, un effondrement déjà annoncé par l'intransigeance allemande, est l'une des conséquences du mouvement des Gilets jaunes.
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