Derrière le mur du cerveau
En 2017, des chercheurs de l'Allen Institute for Brain Science (USA) ont découvert les neurones les plus longs. Pour y parvenir, ils ont élevé une espèce particulière de souris sensibles à une certaine substance provoquant la sécrétion, dans l'organisme des rongeurs, d'une protéine verte fluorescente qui colorait les neurones dans le claustrum. De cette manière, les chercheurs ont pu voir comment les neurones enveloppaient tout le cerveau de leurs apophyses. Certains étaient reliés pratiquement à toutes les régions recevant l'information des organes sensoriels et responsables du comportement.
Les deux chercheurs ont comparé le cerveau à un orchestre. Les musiciens peuvent jouer sans chef mais il n'y a alors pas de cohésion, c'est la cacophonie. Les scientifiques ont émis l'hypothèse que le claustrum assumait justement le rôle de chef d'orchestre. Sa traduction du latin signifie «caché» et le terme utilisé en français est «avant-mur».
Un hub de réseau
Le claustrum est une fine couche irrégulière de matière grise. Situé dans les deux hémisphères entre l'insula et le putamen (noyau basal), il est facile de ne pas le remarquer. Il a été découvert chez la plupart des mammifères, mais sa vocation reste un mystère: il est inaccessible pour une étude directe à cause de son emplacement profond.
L'inclusion du claustrum dans le réseau neuronal et les flux d'informations du monde extérieur qui passent à travers lui sont uniques. Cela a poussé Christof Koch et Francis Crick à supposer que le claustrum était la source de la conscience. Ils ont appelé le monde scientifique à intensifier le travail dans ce sens, d'autant que toutes les technologies nécessaires à cela existent. De cette manière, le phénomène de la conscience, qui jusqu'à présent n'était étudié que par les philosophes et les psychologues, est devenu un centre d'intérêt pour les sciences naturelles.
Un homoncule interne
Platon admettait un monde particulier d'idées auquel l'âme de l'homme aurait appartenu. Descartes parlait de l'âme perçue à l'aide de l'épiphyse cérébrale.
Ceux qui cherchent à prouver que le monde spirituel est plus important que son analogue matériel sont qualifiés d'idéalistes. Ils estiment qu'hormis le monde des idées nous ne connaissons rien, que rien n'existe au-delà de notre conscience.
Alors que les matérialistes insistent sur le fait que le monde spirituel résulte du travail du cerveau et de nos organes sensoriels qui perçoivent le monde réel.
Le claustrum, en tant que lieu d'apparition de la conscience, n'est qu'une hypothèse de travail qui permet de vérifier certaines observations par des méthodes scientifiques. Par exemple, le fait que l'homme ne peut pas séparer le flux de la conscience en différentes parties pour les percevoir séparément.
Assis dans un parc par une journée ensoleillée nous avons conscience de tout à la fois dans son ensemble: la chaleur, la lumière, les couleurs vives, les sons, les odeurs. Quelqu'un doit traiter et réunir les signaux électriques disparates des neurones. Il existe donc dans le cerveau un organe spécial, par exemple le claustrum, qui coordonne les informations sortant de chaque organe sensoriel pour les transformer en un flux commun remplissant la conscience.
A la recherche de neurones de la conscience
Des chercheurs américains ont observé 171 vétérans de la guerre du Vietnam souffrant de lésions pénétrantes du cerveau, ainsi que des patients ayant subi une ablation de tumeur cérébrale. Tous les patients perdaient périodiquement connaissance, mais la fréquence et la durée de ces crises ne dépendaient pas de l'endommagement du claustrum chez les patients.
Christof Koch et ses collègues ont continué de chercher les mécanismes neuronaux sur lesquels serait basée la conscience. La théorie sur laquelle ils s'appuient la voient comme un produit dérivé du travail d'un organe de réseau aussi complexe que le cerveau.
En particulier, selon cette théorie, aucun logiciel numérique, même le plus sophistiqué, ne pourrait posséder une conscience. Dans son dernier article paru dans la revue Scientific American, Christof Koch conclut que «la conscience ne peut pas être calculée, elle peut seulement être intégrée dans la structure d'un système.»