Ted Bundy, Jeffrey Dahmer ou même encore John Gacy n'étaient-ils que des amateurs du meurtre en série? Après ses aveux, Samuel Little, pourrait bien s'avérer être l'un des tueurs américains connus les plus prolifiques.
Moins tordu qu'un Gerard Schaefer, moins imposant qu'un Edmund Kemper, ce grand gaillard de 1 m 90 n'en utilisait pas moins sa force physique pour assouvir ses pulsions. Boxeur de carrière (connu comme Samuel McDowell), il profitait de ses facilités pour étrangler ou briser ses victimes.
«D'après un rapport d'autopsie, il frappait avec une telle force qu'en portant un coup à l'abdomen de l'une de ses victimes, il lui a brisé la colonne vertébrale», relève un journaliste du New York Times.
Un mode opératoire (sans impacts de balle ou coup de couteau), des proies (prostituées, droguées, alcooliques) et des lieux (bords de route, falaises, décharges) où il abandonnait les corps qui lui assurèrent de ne pas être inquiétés par les autorités durant sa longue carrière parallèle. «Un groupe de personnes qui, souvent, ne sont portées disparues que pendant des semaines et parfois reçoivent moins de ressources d'enquête que d'autres», comme le relate le journaliste du New York Times. En effet, nombre de ses meurtres furent classés comme des overdoses, des accidents ou encore comme étant de cause naturelle.
Car c'est certainement là le détail le plus inquiétant dans le cas de Samuel Little. Celui-ci ne fut définitivement arrêté qu'en 2012 —à l'âge de 72 ans- pour une affaire de drogue et ce sera, finalement, son ADN qui le liera aux meurtres de trois femmes. Des meurtres commis à Los Angeles 35 ans plus tôt… entre 1987 et 1989 et jusque-là restés irrésolus. Par le passé, il avait été appréhendé par les forces de l'ordre près d'une trentaine de fois, passant en tout près d'une dizaine années en prison.
«"Je peux aller dans mon monde et faire ce que je veux", a déclaré M. Little, selon le sergent Mongeluzzo, décrivant les quartiers du pays où la pauvreté, la toxicomanie et les meurtres non résolus sont courants, "mais je n'irais pas dans votre monde"», relate ainsi le journaliste.
Ce n'est qu'une fois condamné trois fois à perpétuité pour trois crimes que l'homme sort de son silence. Depuis sa cellule au Texas, il aurait alors confessé «des douzaines» d'autres meurtres commis entre 1970 et 2005… plus de 90.
«Les tueurs en série sont presque tous des psychopathes», comme le rappelle fréquemment le criminologue Stéphane Bourgoin. Rappelons que la psychopathie est un trouble de la personnalité qui touche environs 1% de la population, rendant un individu incapable d'éprouver de l'empathie, des remords ou même à envisager toutes les conséquences de leurs actes. Pour faire simple, leur conception du monde n'est pas la nôtre.
«Les enquêteurs qui lui ont parlé disent qu'il semble également apprécier l'attention qu'il reçoit alors qu'il récite des détails que seul un meurtrier peut connaître», relève le journaliste avant d'ajouter que «les autorités soulignent que M. Little ne montre aucun signe de remords en discutant des meurtres.»
Fort heureusement, peu d'entre eux basculent dans le crime, mais leurs prédispositions à manipuler et mentir, leur verve, leur charisme et finalement leur naturel à écraser sans broncher tout obstacle et concurrence sur leur chemin —couplé à une haute estime d'eux-mêmes- les placeraient d'ailleurs en surreprésentation dans les métiers de direction.
Psychopathes ou non, combien de Samuel Little sont dans la nature? D'autant plus que le phénomène des tueurs en série (au moins trois meurtres espacés dans le temps) n'est pas cantonné aux seuls États-Unis. Comme à d'autres reprises dans les annales criminelles, Samuel Little fut appréhendé pour une tout autre raison que ses meurtres. Si cette idée «peut surprendre», selon nos confrères du New York Times, ceux-ci rappellent que,
«Même les services de police les plus efficaces ne résolvent qu'environ les trois quarts des homicides, ce qui signifie que chaque année des milliers de personnes ayant tué s'en tirent en toute impunité.»
Une masse statistique, dans laquelle se meuvent ces tueurs, à l'image- en France- de Francis Heaulmes. Malgré un QI faible, le fait qu'il soit «déséquilibré, alcoolique» et «incapable de conduire», ce dernier put néanmoins tuer à travers toute la France onze personnes, entre novembre 1984 et janvier 1992. Ses victimes ayant toutes un profil radicalement différent, il faudra l'acharnement d'un gendarme- pas soutenu par sa hiérarchie- pour le confondre dans l'un de ses crimes. Les autres ne trouveront leur réponse qu'après.
D'autres agissent à l'abri de tout soupçon, comme Niels Högel dont le procès a débuté il y a tout juste un mois. Cet infirmier allemand est accusé d'avoir tué une centaine de ses patients entre 2000 et 2005 afin d'attirer la reconnaissance de ses collègues et aussi par… «ennui».
Dans un style différent, aux États-Unis, Donald Harvey, qui lui aussi travaillait dans un hôpital, aurait tué pendant 17 ans entre 36 et 57 patients. Il déclarait se sentir «devenir l'égal de Dieu» au moment des injections létales ou lorsqu'il étouffait ses victimes.
La Russie n'est pas en reste. Longtemps décriée par les Soviétiques comme étant une singularité du système capitaliste, la réalité des tueurs en série rattrapa rapidement les autorités lorsqu'elles vinrent à bout de monstres qui sévissaient dans le paradis socialiste, tels que Vasiliy Kulik (13 victimes) ou encore Andreï Tchikatilo (52 victimes). La Russie des années 90 fut marquée par des tueurs tels qu'Alexandre Pitchouchkine (le cinématographique «tueur de l'échiquier», avec ses 48 victimes) Alexander Spesivtsev (19 victimes), ou encore Mikhail Popkov (entre 22 et 81 victimes), pour ne citer que les plus prolifiques.
Le «phénomène» des serial killer est-il donc dû à l'évolution de notre société (individualisme, frustration…) ou simplement à une plus forte médiatisation, couplé à l'amélioration considérable des moyens d'enquête des forces de l'ordre, permettant d'en confondre un plus grand nombre que par le passé?
Force est de constater que certains profils particulièrement inquiétants se distinguent dans des pays en proie aux troubles économiques et politiques. Ce fut le cas de Pedro López et Luis Garavito, deux Colombiens ayant sévi dans la deuxième moitié du XXe siècle.
Respectivement condamnés pour 110 et 138 meurtres, soit le tiers des crimes qu'ils revendiquent, ils occupent avec Daniel Camargo Barbosa — un autre colombien soupçonné d'avoir tué entre 72 et 150 jeunes filles — les trois premières marches du podium des tueurs en série connus de l'époque contemporaine.