Alors que les Gilets jaunes font ressurgir le thème des inégalités territoriales, Sputnik s'est rendu au Congrès des maires et des présidents d'intercommunalité pour demander aux élus locaux comment, selon eux, réduire l'écart existant entre métropoles et monde rural.
Et leur constat est sans appel. Si l'ouvrage polémique «Paris et le désert français», de Jean-François Gravier, a beau avoir plus de 70 ans, l'expression, elle, décrit —à en croire les maires de France- encore fidèlement la réalité du quotidien des communes rurales.
D'un côté, les élus des métropoles françaises ne sont pas très enclins à aborder ce sujet. Contactés dans le cadre de cet article, aucun des maires des 20 plus grandes villes du pays n'a souhaité s'exprimer. De l'autre, les maires des petites communes expliquent que la différence entre villes et campagnes est bien réelle et qu'elle va en s'accroissant.
«Bien sûr que l'écart se creuse», estime Denis La Mache, maire de Saint-Sigismond en Vendée.
«Je ne sais pas comment y remédier, mais il est vrai que ça se creuse beaucoup», renchérit Monique Montibert, élue de Laprugne, dans l'Allier.
Si nombre de maires sont d'accord pour dénoncer des inégalités toujours plus fortes entre métropoles et monde rural, tous n'ont pas la même analyse quant aux raisons de ces inégalités.
«Les gens ont peur que les centres de décision s'éloignent. Le maire d'une commune est accessible, mais plus on monte dans la hiérarchie, moins ils le sont. La décision est prise très loin et on a peur», assène Yann Le Louarn, maire de Coat-Méal, dans le Finistère.
«Le monde rural souffre en ce moment. Pour se soigner, il n'y a plus de médecins; il faut faire 30 km, si ce n'est pas 50 ou 80 pour aller à l'hôpital. Les services publics ferment de plus en plus et la mairie est le dernier service public présent dans les villages.»
Le maire de Daglan dénonce également un double standard du gouvernement, qu'il accuse de favoriser les banlieues —qui font partie des métropoles- au détriment des campagnes et prend l'exemple de l'Éducation nationale:
«On favorise des classes à 12 élèves dans les ZEP, dans les grandes villes et puis nous, dans la campagne, dès qu'on a 19 enfants, ça ne suffit pas il faut fermer les écoles. Il y a deux poids, deux mesures, deux vitesses.»
Outre l'éloignement des centres de décision et des services, certaines communes sont soumises à des baisses de dotation, alors que leur budget est déjà très limité. C'est le cas de Monique Montibert, qui déclare:
«Les dotations de l'État ont baissé de 48.000 euros en trois ans. C'est énorme et les besoins et les attentes sont toujours les mêmes.»
«Il faut faire en sorte que nos territoires aient besoin les uns des autres et travaillent les uns avec les autres. C'est important qu'on ait de grandes métropoles auxquelles on puisse accéder et qui puissent être des moteurs au niveau économique, culturel, social, mais les campagnes ont aussi beaucoup à apporter.»
Mais l'État ne semble pas très réceptif au message lancé par les maires et ces derniers se sentent oubliés par le Président de la République, qui n'a pas assisté à leur Congrès à Paris. Peu enthousiaste, Pascal Dussol conclut:
«L'association des élus ruraux de France ont eu un entretien avec le Président. Je pense qu'ils vont obtenir quelques choses concrètes.»
À coup de petites «choses», 71 ans après la publication du pamphlet de Jean-François Gravier, ce dernier est toujours d'actualité.