Un grand consensus scientifique vient d'être brisé, et c'est exceptionnel. L'histoire se déroule au Canada. Selon des représentants des peuples inuits du Nunavut, le nombre d'ours polaires aurait augmenté sur leur territoire, contredisant les résultats de nombreuses études menées par des spécialistes. Certains ours polaires ne souffriraient donc pas tant que cela des changements climatiques, un constat qui n'a pas manqué de surprendre.
Les Inuits habitent l'Arctique nord-américain, du détroit de Béring au Groenland, un territoire qui s'étend sur environ 6.000 kilomètres. Ils sont répartis en Alaska (États-Unis), au Canada et au Groenland. Autrefois appelés «Eskimos», ils ont aussi de proches parents en Russie. Au Canada, la grande majorité des Inuits habitent le Nunavut, le territoire le plus au nord. C'est sur ce territoire que le nombre d'ours polaires aurait augmenté, ce qui menacerait même la sécurité de certaines communautés.
Les ours blancs plus nombreux au Nunavut?
«Les Inuits croient qu'il y a maintenant tellement d'ours que la sécurité publique est devenue une préoccupation majeure. […] Les préoccupations en matière de sécurité publique, combinées aux effets des ours polaires sur d'autres espèces, suggèrent que dans de nombreuses communautés du Nunavut, l'ours blanc pourrait avoir dépassé le seuil de coexistence», peut-on lire dans le document.
En plus de briser le consensus sur une question fort importante, le document suggère aussi aux acteurs politiques de prendre en compte les connaissances des Inuits avant d'élaborer des politiques publiques. Un savoir autochtone qui mènerait souvent à des conclusions différentes de celles tirées par les scientifiques.
Par exemple, sur les 13 populations d'ours polaires concernées, les Inuits estiment que 9 sont en croissance, alors que les scientifiques estiment qu'une seule a augmenté. De plus, si l'agence publique Environnement Canada conclut que 4 populations sur 13 ont diminué, les Inuits ne concluent qu'aucune n'est en décroissance. Qui dit vrai?
Depuis quelques années, des organismes inuits dénoncent aussi le fait que l'ours polaire soit utilisé comme symbole de la cause environnementale. C'est le cas de l'organisme Nunavut Tunngavik, qui veille au respect des droits des habitants du Nunavut. En effet, de plus en plus de photos d'ours polaires mal alimentés circulent dans les médias et les réseaux sociaux pour sensibiliser les gens au réchauffement planétaire. En mars 2017, les images d'un ours blanc à l'agonie avaient fait le tour du monde.
L'agonie d'un ours polaire famélique devient le symbole du réchauffement climatique
— Mohamed Kaci (@MKACITV5M) 9 décembre 2017
Vidéo réalisée sur l'île de Baffin au Canada pour l'association@Sea_Legacy par le biologiste et photographe de National Geographic @PaulNicklen @NatGeo @OnePlanetParis #OnePlanet pic.twitter.com/dEBuYXWME0
Selon l'organisme Nunavut Tunngavik, les ours polaires sont instrumentalisés par certains groupes écologistes, notamment pour justifier la réduction des quotas de chasse et de pêche sur les territoires inuits. Une situation jugée injuste. Depuis toujours, les Inuits pêchent et chassent sur leur territoire, une pratique qu'ils disent essentielle au maintien de leur mode de vie.
Précisons que le deux tiers de tous les ours polaires de la planète se trouvent sur le territoire canadien. Au Canada, des lois assurent la protection de cette espèce, considérée comme l'une des plus menacées au monde. En 1973, le Canada a ratifié l'Accord sur la conservation des ours blancs, lequel a aussi été signé par les États-Unis, le Groenland, la Norvège et la Russie. En 2001, l'ours polaire a été désigné comme une «espèce préoccupante» en vertu de la Loi canadienne sur les espèces en voie d'extinction.