«Les vagues ne sont pas réparties de manière homogène dans l'océan, c'est pourquoi les zones où elles sont plus nombreuses attirent en quelque sorte l'énergie. Par conséquent, à un moment donné, des vagues de grande amplitude naissent à un endroit précis. En 1968 déjà, l'académicien Vladimir Zakharov avait montré que cette instabilité décrivait de manière effective l'équation de Schrödinger non linéaire», résume Piotr Grinevitch de l'Institut de physique théorique Landau (Moscou) affilié à l'Académie des sciences de Russie.
Le chaos et l'ordre
Les physiciens désignent sous ce terme différents phénomènes dont le comportement ne peut pas être décrit à l'aide d'équations linéaires. En d'autres termes, leur réaction à la somme de plusieurs facteurs extérieurs ne peut pas être représentée comme la somme des changements entraînés par l'action de chacune de ces forces isolément.
Cette particularité, indiquent Piotr Grinevitch et ses collègues, complique significativement la possibilité de prévoir de tels processus. De plus, les scientifiques ont longtemps pensé que l'état initial des systèmes non linéaires «s'oubliait» irrémédiablement même après les changements les plus mineurs, ce qui les rendait chaotiques par nature.
Au milieu des années 1950, Enrico Fermi et d'autres chercheurs américains ont découvert par hasard que ce n'était pas toujours le cas. Parfois apparaissait une sorte de déjà-vu mathématique, et le système revenait spontanément à l'état initial.
Par la suite, des mathématiciens soviétiques et étrangers ont découvert que ce phénomène était lié au fait que le comportement de ces systèmes «chaotiques» était tout de même régi par certaines lois et récurrences. L'équation de Schrödinger non linéaire pourrait en être une.
Les mystères des «vagues-tueuses»
«Une boîte de vitesses est un bon parallèle. Pour prédire comment elle fonctionnera, il ne faut pas obligatoirement comprendre sa structure détaillée. Il suffit de savoir qu'elle obéit à la «règle d'or» de la mécanique: la perte de vitesse fait gagner en force, et un gain en force fait perdre en vitesse», explique Piotr Grinevitch.
Dans les expériences des scientifiques russes, le rôle de la boîte de vitesses était joué par un cristal avec des propriétés optiques non linéaires, dont le coefficient de réfraction dépendait de l'intensité de la lumière. Par exemple, ses zones qui étaient davantage éclairées focalisaient la lumière, alors que les zones plus «sombres» dispersaient les rayons du laser.
En analysant les résultats des expériences, les mathématiciens russes ont établi un ensemble de formules simples permettant de calculer cette équation avec une grande précision. Les chercheurs les ont utilisées pour déterminer les propriétés possédées par les rayons laser pénétrant dans le cristal non linéaire au moment du commencement de l'expérience.
Ces mêmes formules, expliquent les physiciens, peuvent être utilisés non seulement pour décrire le comportement des «vagues-tueuses» ou les parasites dans les communications, mais également dans la science fondamentale. Par exemple, elles aideront à comprendre comment se comporte le condensat de Bose-Einstein, une forme de matière exotique composée de nombreuses particules mais se conduisant comme un seul grand atome.