Le bus avance lentement sur une route complètement défoncée au milieu de ruines uniquement éclairées par la lueur des phares. Et s’il y a encore quelques minutes, dans le centre de Damas, les ruelles et les commerces animés ne laissaient aucunement penser à la guerre, ici, elle nous regarde droit dans les yeux depuis les orbites vides des fenêtres d’immeubles abandonnés. Nous entrons dans la Ghouta orientale, jadis théâtre de combats acharnés entre les troupes gouvernementales et des groupes extrémistes.
Un bastion de l’idéologie de l’unité arabe
«Cet endroit était sous le contrôle des terroristes. Nous l’avons repris en 2013 et depuis, d’ici, nous avons lancé la libération d’agglomérations et de quartiers voisins dont Qaboun, Djobar, puis Douma», nous explique un milicien d’une cinquantaine d’années. Derrière lui, l’entrée du siège est surplombée de trois portraits, qu’il n’est pas nécessaire de nous présenter – le Président syrien Bachar el-Assad, l’ancien dirigeant égyptien Gamal Abdel Nasser et le leader du mouvement chiite libanais Hezbollah, Hassan Nasrallah. Panarabisme et résistance: ces effigies en disent long sur les convictions de ceux qui nous accueillent.
Une milice chiite? Cette question perd tout son sens dès que nos hôtes commencent à se présenter. Des chrétiens, des sunnites et des druzes comptent également dans ses rangs.
«Lorsque la crise a débuté en 2011, nous avons commencé à former ce qu’on appelle aujourd’hui la Garde nationale arabe, qui regroupe des ressortissants de différents pays arabes, dont des Algériens, des Tunisiens, des Égyptiens, des Jordaniens et des Libanais. Nous avons aussi un camarade yéménite», nous confie un Palestinien d’une quarantaine d’années en nous montrant un jeune à lunettes qui par un signe confirme que c’est bien lui qui a quitté le pays de la légendaire civilisation de Saba pour venir lutter sur le sol syrien.
Interrogé sur le nombre de combattants composant leur formation, notre interlocuteur refuse de donner une réponse, se contentant de dire qu’au début ils étaient des centaines et que de nouveaux membres n’ont cessé d’affluer depuis, que ce soit pour la branche militaire ou civile.
«Pour un front populaire, nous sommes nombreux, bien qu’on ne puisse évidemment pas comparer nos effectifs à ceux de l’armée gouvernementale. Chaque combattant présent ici est mû par ses convictions. Dans la journée, il peut travailler, puis le soir venir prendre son arme et accomplir sa mission. On n’oblige personne à rejoindre nos rangs et personne ne vient ici pour l’argent», explique notre interlocuteur palestinien, soulignant que la seule partie avec qui la Garde coordonne ses actions et missions est l’armée gouvernementale syrienne.
Aujourd’hui la Syrie, demain nous?
Interrogé sur ce qui pousse les Arabes de différents pays à rejoindre les rangs de cette milice, il donne une réponse plutôt attendue de la part d’un adepte du panarabisme. En effet, pour lui et ses camarades, la guerre qui secoue la Syrie depuis 2011 s’inscrit dans le cadre du «projet visant le monde arabe» et dont le principal volet est la cause palestinienne. Ils se sentent donc tous directement visés.
«Tout est lié. N’importe quel projet [contre un pays arabe, ndlr] est perçu comme un projet ennemi», confirme Abou Marwan Charqi, lui aussi Palestinien. «Un autre point est que la chute de la Syrie signifierait la chute de la cause palestinienne. C’est le pays qui a brandi le drapeau palestinien», poursuit-il.
«Oui, notre position c’est la belle réponse des Palestiniens de Syrie au Président Assad. Nous sommes les enfants de la cause [palestinienne, ndlr]», confirme le premier.
Mais les hommes de cette milice ne font pas que combattre. La Garde nationale arabe a pris sous sa tutelle un certain nombre de familles restées sans ressources.