Partir de Beyrouth, jusqu'en Turquie, en passant par la Syrie en pleine guerre civile, pour une femme à vélo, c'est possible? En tout cas, Agnès Géminet l'a fait. La jeune voyageuse n'en a pas fini avec ses aventures, avide de savoirs, de paysages et de mouvements. Intrépide et pleine de surprises, elle s'est laissée capturer par la caméra, un brin timide, pas habituée à être sous le feu des projecteurs, mais authentique.
Retrouvez les meilleurs moments de cet entretien atypique
Pourquoi ce périple libano-syro-turc en 2012, au fait? Pour suivre les traces d'Alexandre le Grand, pardi! Mais aussi pour partir «sur les pas des migrants, comme une clocharde». Elle avait obtenu une bourse de la fondation Zellidja, s'est fait couper les cheveux à la garçonne avant de partir, a pris son baluchon puis elle est arrivée à Beyrouth. La guerre civile interdisant tout accès au territoire syrien, elle n'a pas pu y entrer, elle a même été soupçonnée d'espionnage sur le Plateau du Golan, mais rapidement relâchée.
Comment alors continuer son voyage? Elle a dû prendre un bateau-stop de Tripoli jusqu'en Turquie. Après plus de deux mois, elle arrive enfin à Istanbul où elle est accueillie par les communautés de migrants et elle revient en Europe en stop. Autant dire des choses pas très communes pour une jeune Française de 20 ans, au XXIe siècle. Mais qu'importe, Agnès défie les normes à la manière d'un Sylvain Tesson, faisant escale dans les îles Cyclades pour écrire l'excellent Un Été avec Homère (Éd. des Équateurs). Elle s'est ainsi rendue sur le site archéologique de Troie:
«Troie le pèlerinage ultime, déclamer l'Iliade à l'endroit X»
Après la Turquie et le Liban, dont elle vante tant la culture de l'hospitalité, elle s'est attelée à quelque chose de plus fantastique encore, de plus dingue, suivre les traces d'Arthur Rimbaud, de Joseph Kessel, d'Hugo Pratt et d'Henry de Monfreid en Éthiopie, à cheval. L'Éthiopie, premier pays chrétien au monde, d'où serait originaire la Reine de Saba. Après plusieurs va-et-vient, elle y passe six mois au total et publie son carnet de voyage «Mes Éthiopiques».
«Partir longtemps avec des moyens très simples toujours à pied, à cheval ou en voiture, des moyens lents qui permettent de vivre vraiment dans le pays et surtout de pouvoir prendre le temps avec les gens et de profiter de la solitude du voyageur.»
Ajoutez à cela, le dénuement quasi-total d'Agnès Géminet, n'allant pas dans les hôtels quatre étoiles, profitant surtout des nuits à la belle étoile ou de la générosité des habitants. La bourse Zelidja, le prix du Grand Bivouac lui ont permis de partir à Beyrouth et Addis-Abeba, mais cela reste très peu. Pour deux mois et demi jusqu'à Istanbul, elle ne comptait que sur 800 euros, voyage aller en avion compris.
Tee-shirt Nirvana, cigarette roulée au bec, la jeune fille est en pâmoison face à Alexandra David-Neel et… Indiana Jones. Elle explique avoir adoré l'Écosse, d'abord par la route du Whisky (elle devait suivre officiellement les traces du poète Robert Burns), puis par la chaleur de sa population. En parallèle à ses illustrations et bandes dessinées, son rêve est de devenir cascadeuse. C'est pourquoi elle s'est rendue en Thaïlande dans un camp de boxe thaï cet hiver avant de partir bientôt apprendre le Kung-fu au monastère shaolin en Chine.
Sa prochaine grande étape? Suivre les pas d'Hérodote en remontant le cours du Nil, d'Alexandrie à Addis-Abeba. Inarrêtable.
«Remonter à la source de l'Histoire tout en remontant à coups de pédale à la source de la vie»