70 ans du «Nuremberg japonais»: les grands accusés et les absents phares du procès

© AP Photo / AP file photoEmpereur Hirohito en 1940
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Il y a 70 ans, le Tribunal de Tokyo énonçait son verdict dans le procès de hauts dignitaires japonais responsables de la mort d'entre 5 à 30 millions de civils durant la Seconde Guerre mondiale.

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Avec ses «marches de la mort», ses avalanches d'exécutions sommaires et ses camps de concentration, le théâtre asiatique de la Seconde Guerre mondiale rivalise bien avec son théâtre européen en termes d'atrocité et de déshumanisation générale. Selon diverses estimations, les forces japonaises alliées au Troisième Reich ont massacré de 5,4 à 30 millions de civils chinois, indonésiens, philippins, birmans, coréens et autres. Il y a 70 ans, le Tribunal de Tokyo a rendu son verdict à l'égard des grands criminels de guerre japonais, militaires comme civils.

Massacre de civils et guerre biologique

Débutant en mai 1946, le Tribunal s'est notamment penché sur les rôles assumés par les accusés durant les opérations de l'armée impériale nippone en Chine, en particulier après la prise de la ville de Nankin fin 1937 qui avait entraîné un massacre surréaliste de civils et le viol de dizaines de milliers de femmes et d'enfants par des soldats japonais.

Selon les chiffres officiels chinois, 300.000 personnes ont péri dans ce carnage qui reste jusqu'à présent un point de blocage dans les relations entre Pékin et Tokyo. Les survivants du massacre convoqués au Tribunal ont parlé de milliers de civils enterrés vivants, embrochés à la baïonnette ou décapités au sabre.

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Le Tribunal a en outre accusé les cadres militaires et politiques japonais d'avoir appliqué une politique de trafic de stupéfiants dans les zones conquises par l'armée dans l'objectif d'affaiblir la population locale. Dans le même temps, les juges ont prêté une bien moindre attention aux activités de la tristement célèbre Unité 731, la plus secrète du gouvernement japonais, créée pour mener des actions à caractère biologique contre les Chinois: son commandant Shiro Ishii, arrêté par les Américains, avait conclu un pacte avec le chef d'état-major de l'armée américaine Douglas MacArthur qui lui garantissait l'immunité en échange des résultats obtenus par son équipe. En vertu de cette entente, tous les membres de l'unité n'ont pas été poursuivis.

Histoire des sept pendus

Le 12 novembre 1948, le président du Tribunal de Tokyo, l'Australien William Webb, a proclamé la condamnation à mort par pendaison de sept accusés, dont deux anciens Premiers ministres Hideki Tojo et Koki Hirota, reconnus comme responsables des atrocités en Mandchourie et à Nankin, ainsi qu'un ancien ministre de la Guerre et quatre ex-généraux.

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Côté militaire, Kenji Dohiara, patron des forces japonaises qui occupaient Singapour en 1944 et 1945, a été reconnu coupable de tortures et d'autres brutalités sur des prisonniers de guerre britanniques et indiens. Le commandant des forces nipponnes en Birmanie Heitaro Kimura a été condamné notamment pour le traitement inhumain des prisonniers alliés dans les camps de concentration.

Le commandant de la force expéditionnaire japonaise en Chine Iwane Matsui, dont les divisions ont commis le massacre de Nankin, et le chef d'état-major de l'armée nipponne aux Philippines Akira Muto ont complété le macabre peloton.

Les défenseurs des condamnés ont introduit un recours auprès du général MacArthur qui a fini par confirmer la décision du Tribunal. Le 23 décembre 1948, les sept criminels ont été pendus dans la prison de Sugamo. Leurs corps ont été incinérés et leurs cendres dispersées au-dessus de la baie de Tokyo afin de prévenir toute commémoration ultérieure.

L'empereur Hirohito exonéré de toute responsabilité

Bien que les procureurs alliés aient monté un important dossier à l'encontre de l'empereur nippon Hirohito et que les recherches récentes confirment son implication directe dans la planification et la conduite de la guerre du Pacifique, ce dernier bénéficiait d'un soutien inébranlable de MacArthur qui ne voulait pas déstabiliser le pays en touchant à son symbole national.

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L'empereur, au nom duquel la guerre avait été menée, a ainsi été préservé de l'acte d'accusation, et sa famille entière exonérée de toute responsabilité. Le monarque n'a pas même été convoqué comme témoin.

Lorsque le général Tojo a déclaré devant le Tribunal que personne n'aurait osé aller contre la volonté de l'empereur, le procureur américain Joseph Keenan a suspendu la séance qui n'avait repris qu'après que le général eut accepté de dire que le monarque «avait consenti avec réticence à la guerre». Cette position s'inscrivait bien dans la politique visant à trouver des figures expiatoires afin d'innocenter le peuple et son empereur, présentés comme «victimes» de dirigeants indécents.

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