L’assaut culturel chinois au Cameroun

© Sputnik. Anicet SimoSalle de cours Institut Confucius Yaoundé
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Loin du prisme économique, souvent brandi comme seul enjeu de la relation sino-africaine, l’Empire du milieu mène une offensive culturelle à travers la promotion du mandarin. Au Cameroun, outre les instituts Confucius, le «hold-up» culturel chinois se poursuit dans les écoles par l’initiation des élèves au mandarin dès la petite enfance.

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L'école primaire «Les dégourdis», située à la périphérie de la capitale Yaoundé, fait partie des nombreux établissements du Cameroun où le chinois est enseigné dès la petite enfance. Dans cette école, en plus du programme obligatoire du ministère de l'Éducation de Base, des périodes sont réservées à l'initiation au mandarin. Des vagues d'enseignants d'origine chinoise ou camerounaise se succèdent depuis trois ans dans les salles de classe, suivant un programme préétabli pour l'initiation des enfants à cette langue.

«Au niveau 1 et 2 (SIL, CP, CE1 et CE2) nous avons une séance par semaine. Au niveau 3 (CM1 et CM2) il y a 2 séances par semaine; les séances durent 30 minutes. À la fin des leçons, des évaluations sont faites. Pour les niveaux 3 exceptionnellement, une évaluation est passée; les copies sont corrigées en Chine et les résultats renvoyés ici au Cameroun», nous renseigne Reine Edima, l'un des cadres de cette école. Dans ce pays qui a déjà l'anglais et le français comme langues officielles, la direction de l'école entend faire de ses élèves des trilingues afin de leurs ouvrir d'autres horizons.

«Les Chinois sont déjà très présents au Cameroun. Il y a un grand nombre de projets qui lient le Cameroun et la Chine, aussi des Chinois qui tiennent des commerces au Cameroun. Il faudrait qu'il y ait collaboration avec les Chinois pour qu'ils se sentent chez eux ici au Cameroun via le dialogue avec eux», souligne Reine Edima.

Reine Edima, enseignante, revient sur les enjeux de l'apprentissage du mandarin aux élèves.

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Depuis 2011, le Centre Confucius de l'école normale supérieure de Maroua, à l'extrême Nord du pays, est une institution pilote en Afrique centrale et de l'Ouest. Le centre est doté d'une double mission d'enseignement du mandarin et de promotion de la culture chinoise; il forme des professeurs certifiés des lycées d'enseignement général (PLEG) pour la transmission de cette langue et cette culture. Depuis 2016, la langue parlée dans l'Empire du milieu a été inscrite parmi les épreuves à l'examen national de «probatoire», l'un des diplômes du secondaire. Des élèves en classe de 4eau lycée, comme Oswald Mokiaje, 14 ans, peuvent désormais choisir le chinois comme deuxième langue.

«J'ai choisi d'apprendre le mandarin, parce que je pense que c'est la meilleure langue. Le mandarin est une langue qui permet aux enfants de développer les valeurs culturelles de leurs pays et celles d'autres pays. En l'apprenant, je pourrais faire des affaires avec les Chinois dans le futur», nous explique Oswald, fier de lui.

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Oswald Mokiaje, élève, nous renseigne sur les cours dispensés.

Dans sa salle de classe, ils sont 59 à avoir opté pour le mandarin dans une classe de 90 élèves. Si la plupart a librement porté son choix sur la langue chinoise, certains de ses camarades disent avoir été contraints par leurs parents. L'offensive culturelle chinoise a pourtant débuté bien avant cette insertion dans le programme scolaire.

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Institut Confucius Yaoundé

Depuis 2007, la Chine a offert au Cameroun trois Instituts Confucius, implantés dans les villes de Yaoundé, Douala et Maroua. Face aux nombreux centres culturels français et anglais installés au Cameroun, ces instituts diffusent la culture chinoise au travers de la langue, mais aussi des arts et de la danse. On dénombrait en 2017 plus de 15.000 étudiants dans ces trois centres. Chaque année, le nombre d'inscriptions augmente de plus de 1.000 élèves. Nous avons rencontré Alain, étudiant, et l'un des nombreux élèves de l'institut Confucius de Yaoundé, niché en plein cœur de l'université de Yaoundé II.

«J'étudie le mandarin, parce qu'actuellement la Chine est première puissance économique. Je fais des études pour être ingénieur en bâtiment. Ils (les Chinois) sont meilleurs dans les études techniques, ingénierie, bâtiment.»

Et Alain voudrait bien travailler avec les Chinois.

«Mon objectif est d'être parmi les meilleurs au monde. Pour devenir meilleur, il faut collaborer avec les meilleurs. C'est pour cela que je m'intéresse au mandarin; pour aller étudier en Chine. Aussi, ils ont beaucoup de chantiers d'envergure au Cameroun. En étudiant en Chine, on peut travailler facilement avec les Chinois quand on rentre.»

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Confucius est devenu le bras culturel de la Chine en Afrique et le fer de lance d'une Chinafrique portée davantage sur la culture, la langue et les arts que sur l'économie et la politique. On y enseigne aussi bien la danse du dragon que le mandarin et les arts martiaux.

«L'institut Confucius est installé dans presque tous les pays. C'est le fruit de coopérations avec des universités de chaque pays. Notre objectif principal est de faire connaitre la langue chinoise; mais quand on apprend une nouvelle langue, on doit aussi apprendre la culture qui est attachée à cette langue. C'est pour mieux comprendre la langue» Détaille à Sputnik Chen,l'une des responsables de l'institut Confucius de Yaoundé.

Chen, responsable de l'institut Confucius de Yaoundé nous parle des enjeux de l'apprentissage du mandarin.

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Outre les formations, les bourses d'études pour la Chine, autre outil de séduction, sont également offertes aux étudiants Camerounais:

«L'idée est de permettre à des jeunes de bénéficier d'une formation de qualité dans notre pays. Les meilleurs étudiants obtiennent des bourses pour des études allant de trois à cinq ans. Après leur formation, ils retournent travailler au Cameroun s'ils sont sollicités ou sont recruté par la Chine», précise Tiang, directrice de l'institut Confucius de Yaoundé.

Le mandarin s'impose également de plus en plus comme un passeport qu'il faut posséder pour s'assurer l'entrée dans le monde des affaires. Les entreprises chinoises et les chantiers de construction confiés à la Chine dans les travaux publics se multiplient au Cameroun et sur le continent. Il faut parler un peu de chinois pour espérer un bon contrat de travail. De quoi susciter l'enthousiasme des jeunes Africains qui apprennent le mandarin. Pour les plus sceptiques, il s'agit seulement d'un outil de propagande chinoise.

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