Étonnant, non? Au Cameroun, le résultat de la présidentielle du 7 octobre dernier est sans surprise. Le Conseil constitutionnel a rendu publics les résultats officiels de l'électionprésidentielle le 22 octobre, au terme d'une audience qui a duré un peu de cinqheures. Paul Biya est donné réélu avec 71,28% des suffrages exprimés, soit un peu moins qu'en 2011, lorsqu'il avait obtenu 77,99% des voix. Maurice Kamto arrive en seconde position avec 14, 23% des suffrages.
Les taux de participation sont assez disparates. Dans la région du Nord-Ouest, épicentre de la crise des régions anglophones, seuls 5,36% des inscrits sont allés voter. Ils sont en revanche 73,77% dans le Sud et 72,30% dans l'Extrême-Nord à être allés aux urnes. La publication de ces résultats intervient au lendemain d'un contentieux électoral, pendant lequel 18 recours en annulation pour fraudes et irrégularités ont été introduits par des candidats. Mais le Conseil constitutionnel avait alors rejeté tous les recours.
Maurice Kamto, quant à lui, n'en démord pas; le patron du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) déclare l'illégitimité du Président élu:
«La coalition et moi-même continuons dès lors à revendiquer ma victoire à cette élection. Nous rejetons solennellement et catégoriquement ces résultats fabriqués et refusons de reconnaître la légitimité du chef de l'État ainsi désigné.»
Dans une vidéo publiée le 22 octobre ausoir et qui fait le tour des réseaux sociaux, le principal challenger de Paul Biya à cette élection réclame encore la victoire. Maurice Kamto, qui avait déjà revendiqué la victoire au lendemain de l'élection, conteste les résultats proclamés par le Conseil constitutionnel.
«Les résultats de cette élection que le pouvoir vient de proclamer à la faveur de M. Paul Biyasont basés sur de fausses données fabriquées avec l'assistance d'informaticiens et de statisticiens à la solde du régime. Ces résultats n'ont rien à voir avec ce qui s'est passé sur le terrain le 7 octobre 2018.»
Alors que toutes les voies de contestation légales sont épuisées depuis la proclamation des résultats par le Conseil constitutionnel, Maurice Kamtoaffirme qu'il ne se laissera pas voler ce qu'il estime être sa réussite:
«Nous entendons rester auprès du peuple camerounais et défendre avec lui sa victoire. Nous utiliserons tous les moyens de droit pour faire rétablir la vérité des urnes»
Déclaration Maurice Kamto après la publication des résultats
Signe d'une sourde inquiétude?Après les félicitations d'usage, les États-Unis, premier pays à réagir, appellent toutes les parties à la retenue. Le communiqué de presse du Département d'État,rendu public ce lundi 22 octobre, est clair à ce sujet:
«Les États-Unis félicitent le peuple camerounais pour les élections largement pacifiques du 7 octobre. Nous exhortons toutes les parties- y compris le gouvernement- à respecter l'état de droit, à régler pacifiquement tout différend par la voie légale et à éviter les propos haineux.»
Le département d'État va d'ailleurs plus loin et souligne que le scrutin a été entaché de fraudes:
«Nous nous félicitons de l'amélioration démontrable de la Commission électorale camerounaise par rapport aux élections de 2011, mais nous avons constaté un certain nombre d'irrégularités avant, pendant et après les élections du 7 octobre. Ces irrégularités n'ont peut-être pas affecté le résultat, mais ont donné l'impression que les élections n'étaient ni crédibles ni véritablement libres et équitables.»
De son côté, Paul Biya, réélu pour un septième mandat, s'est contenté d'un tweet pour se féliciter de sa victoire.
Chers compatriotes du Cameroun et de la Diaspora,
— President Paul BIYA (@PR_Paul_BIYA) 22 октября 2018 г.
Merci de m'avoir renouvelé votre confiance aussi massivement.
Rassemblons-nous à présent pour relever, ENSEMBLE, les défis qui nous interpellent pour un #Cameroun encore plus uni, stable et prospère.#PaulBiya#237Vote#Biya2018 pic.twitter.com/AhAhPITZFV
En attendant, l'issue du bras de fer entre Paul Biya et l'opposant Maurice Kamto, qui pourrait déboucher sur une nouvelle crise, le Président élu doit faire face à plusieurs fronts, notamment la guerre séparatiste dans sa zone anglophone et celle contre Boko Haram dans sa partie septentrionale.