Moment clef dans le conflit syrien, la libération à venir d'Idlib, le dernier fief des terroristes en Syrie, est déjà largement commentée dans les pays occidentaux. Cet emballement finalement logique quand on pense que la victoire des Syriens, qui sera la défaite des terroristes, est «quelque chose de fatal» qui fera échouer les projets de l'Occident, a expliqué Bachar el-Assad. Fondateur de l'ONG WeAreSuperheroes et humanitaire français Pierre Le Corf, qui vit à Alep, fait part à Sputnik de ses inquiétudes quant à la finale qui approche.
«La libération d'Idlib va être très difficile parce que toutes les forces de la coalition et les gouvernements qui se sont impliqués dans la guerre jusqu'à maintenant refusent qu'Idlib soit libérée. Parce que le jour où Idlib sera libérée, ce sera la fin de la guerre, ce sera [le moment] d'aller libérer les zones qui sont occupées [dans] le Nord illégalement: tant par la France que [par] les Américains, et même [par] les Italiens. Pour moi, aujourd'hui [aucun] gouvernement: tant la France que les États-Unis, l'Angleterre, etc., ne veut qu'Idlib soit libérée», déplore-t-il.
Pierre Le Corf, qui aide depuis déjà plusieurs années les habitants, dont certains touchés psychologiquement et parfois physiquement par la guerre, à retrouver une vie normale, craint que les événements à venir n'entraînent de nouvelles souffrances et ne «renforce[r] le crash du pays sur lui-même».
«Et j'ai peur d'une confrontation globale sous un prétexte quel qu'il soit: chimique, humanitaire. Tout va être mis en place pour faire en sorte de manipuler l'opinion dans ce qui va arriver par la suite».
Le Corf a vu la joie de la ville d'Alep épuisée après quatre années de combats et espère qu'Idlib connaîtra bientôt le même soulagement.
Ce que Pierre le Corf espère pour Idlib, c'est «le minimum le morts, le minimum de guerre», que les couloirs humanitaires soient protégés pour que les gens qui veulent sortir puissent le faire en toute sécurité. «Si à Alep on n'a pas été libérés, ce seraient des milliers de morts en plus», constate Pierre Le Corf, alors que le siège a coûté la vie à plus de 31.000 personnes, selon le Centre de documentation des violations en Syrie.
Après quatre années de combats, la ville d'Alep a traversé encore des épreuves. Libérée le 22 décembre 2016, elle n'a pas encore eu le temps de se relever et, lors des festivités organisées le jour du premier anniversaire de sa libération, elle a été attaquée par des groupes radicaux. La mort… c'est déjà une banalité, c'est le quotidien, on ne ressentait et ne ressent plus rien — le plus terrible, c'était une main ou jambe arrachée, raconte le Français.
Tandis que la vie à Alep reprenait progressivement son cours normal, l'image qui était présentée d'elle dans la plupart des médias était souvent différente de la réalité qui, selon lui, était la suivante:
«Alep libérée, ça a été la liberté pour les gens, ça a été un courant d'air frais. Beaucoup de gens ont raconté des choses terribles sur la libération, etc. J'étais sur le couloir humanitaire, j'ai vu quand les gens sont arrivés, je travaille avec les familles qui arrivaient de l'autre côté. Les gens sont retournés chez eux où maintenant vivent dans leurs maisons, maintenant vivent libres, les enfants sont retournés à l'école, les gens sont en train d'essayer de reconstruire leur vie», résume-t-il, souriant.
La reconstruction d'Alep sera longue. La mosquée omeyyade et l'hôpital Kindi, l'un des plus grands centres pour le traitement du cancer au Proche-Orient, sans parler de nombreux quartiers résidentiels, jadis animés, sont désormais partiellement ou totalement en ruines.
Le dossier syrien et notamment la situation à Idlib seront soulevés lors du sommet entre la France, la Russie, la Turquie et l'Allemagne qui se tiendra le 27 octobre à Istanbul. Selon le Président russe, il existe toujours «un risque de dissémination» des djihadistes, restant dans la zone de désescalade, dans les États voisins.
*Organisation terroriste interdite en Russie