«La Russie a envoyé des troupes et des missiles en Libye pour imposer une nouvelle mainmise sur l'Occident», affirme le tabloïd The Sun, prétendant à l'exclusivité de ses révélations présumées. Preuves à l'appui? Les dires des «sources au sein du renseignement» qui, sans citer leurs noms, assurent qu'en soutenant l'Armée nationale libyenne (ANL) du maréchal Khalifa Haftar, Moscou cherche à «prendre contrôle» des flux migratoires en vue de les diriger contre l'Europe.
«La Russie a toujours eu des intérêts en Libye comme dans un État», explique à Sputnik Dmitri Egortchenkov, directeur des études du Proche-Orient au sein de l'Institut des recherches et des prévisions rattaché à l'Université de l'amitié des peuples. Le politologue évoque à cette occasion des liens économiques et militaires que les deux pays riches en hydrocarbures entretenaient à des périodes différentes de l'Histoire.
Seul problème, l'existence même de l'État libyen est remise en question depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011. Déchirée par une lutte pour le pouvoir, la Libye est dirigée par deux entités rivales: le gouvernement d'union nationale (GNA), issu d'un processus onusien et reconnu par la communauté internationale, basé dans la capitale, et un cabinet parallèle installé dans l'est. Ce dernier est soutenu par l'Armée nationale libyenne (ANL) du maréchal Khalifa Haftar, l'homme fort de cette région orientale.
C'est lui, Khalifa Haftar qui en février dernier avait demandé de l'aide à la Russie, sauf que celle-ci n'y avait jamais répondu par l'affirmative.
«La Russie entretient des relations équilibrées avec des acteurs politiques diverses et des forces "saines" en Libye. Nous sommes en contact avec l'ouest et l'est, avec le gouvernement de Tripoli et avec Khalifa Haftar», poursuit Dmitri Egortchenkov.
«Nous avons des objectifs assez claires en Libye: nous souhaitons que le dialogue politique prenne le dessus, que la période du chaos qui a succédé au meurtre de Kadhafi reste dans le passé, que le pays cesse d'être un foyer du terrorisme dans le nord de l'Afrique», ajoute-t-il. «Pas besoin de soutenir un des acteurs sur le terrain pour y arriver».
«Je ne pense pas que la Russie soit prête à soutenir l'entité orientale libyenne et qu'il y en aurait besoin en général. Le bloc de l'est n'a aucun problème avec les victoires militaires, ils n'ont pas besoin d'aide militaire», estime l'expert.
Et de conclure: «L'histoire la plus récente de nos relations avec les "sources britanniques" montre qu'on devrait pas trop leur croire. Ils cherchent malheureusement à faire sensation et travaillent sur commande politique».