«Au Québec, la gauche a complètement détruit le principe de nation»

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Qui tire les ficelles au Québec? La gauche «postmoderne» serait-elle aux commandes, malgré l’arrivée de la droite autonomiste au pouvoir? C’est du moins ce que croit Philippe Sauro Cinq-Mars, qui vient de publier un livre sur cette question. Sputnik a réalisé une entrevue avec lui.

Depuis plusieurs mois au Québec, une certaine gauche fait beaucoup parler d'elle. Gauche progressiste diront ses partisans, gauche régressive diront ses détracteurs, ce courant est maintenant représenté à l'Assemblée nationale.

Québec solidaire, le parti le plus à gauche dans la Belle Province, vient de faire élire 10 députés. Pour l'essayiste Philippe Sauro Cinq-Mars, cette élection témoigne de la montée d'une gauche très radicale. Sputnik l'a interviewé pour comprendre son point de vue.

Sputnik: Vous venez de publier au Québec un essai politique intitulé Les imposteurs de la gauche québécoise (Éd. Les Intouchables). Un livre qui vise à briser différents tabous de la vie politique canadienne. Quel est le principal tabou que vous vouliez briser en jetant ce pavé dans la marre?

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Philippe Sauro Cinq-Mars: Quand j'affirme que la gauche n'est plus progressiste en 2018, je brise un grand tabou. Toutes les aspirations de la gauche sont imprégnées par cet esprit de décroissance, de «décivilisation» et de déconstruction des normes. En l'occurrence, je dénonce une corruption insidieuse à gauche que l'on pourrait qualifier de «postmoderniste», et qui se pare d'une vertu progressiste de façade. Dans le cas du Québec, on peut dire que la gauche a complètement détruit le principe de nation.

Sputnik: Vous critiquez aussi fortement le multiculturalisme que vous décrivez comme une idéologie menant à la ghettoïsation et à la censure. Que proposez-vous en remplacement de ce multiculturalisme?

Philippe Sauro Cinq-Mars: Oui, le multiculturalisme tourne définitivement le dos à la nation pour défendre les allégeances communautaires, religieuses ou tribales au dépend de l'allégeance citoyenne. Le culte de la diversité mène à la division plutôt qu'au métissage. Avec le multiculturalisme, on voudrait faire de nos pays des «collections» de peuples. Je propose un retour au nationalisme classique. Il faut favoriser une meilleure intégration, valoriser la nation et faire respecter l'autorité. Éviter de juger les gens en fonction de leurs appartenances communautaires.

Sputnik: Récemment, le chef du Parti populaire du Canada, Maxime Bernier, se lançait dans une critique radicale du «multiculturalisme extrême». Interviewé par Sputnik, il avait affirmé qu'il était contre le multiculturalisme, mais pour l'immigration. Faites-vous aussi cette distinction et l'appuyez-vous dans ses démarches?

Philippe Sauro Cinq-Mars: Oui en effet, il faut faire cette distinction. L'immigration concerne principalement les enjeux autour des frontières et les processus d'accession à la citoyenneté. Sur ces sujets, la posture canadienne, malgré quelques dossiers problématiques, n'est pas si mal. Le multiculturalisme concerne plutôt la manière dont les institutions agissent face aux diverses communautés à l'intérieur de la nation et de l'État.

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En bref — et je pense que c'est un peu la position de Bernier — nous pouvons probablement, au Canada, continuer d'accueillir de nouveaux immigrés, mais tous les citoyens doivent être traités de la même manière, sans passe-droits communautaires, et respecter un certain nombre de valeurs canadiennes et de normes communes. Pour ce qui est de son nouveau parti, je trouve l'initiative intéressante. Maxime Bernier a l'air déterminé et il a une approche prometteuse qui pourrait surprendre.

Sputnik: L'arrivée au pouvoir de la droite autonomiste au Québec ne vient-elle pas nuancer votre propos? Si la gauche dont vous parlez est si forte au Québec, pourquoi c'est la droite qui vient de prendre le pouvoir?

Philippe Sauro Cinq-Mars: Le pouvoir de cette gauche est plus culturel que politique. On parle ici des milieux culturels, des institutions d'enseignement, des sphères médiatiques, etc. Il faut comprendre aussi que certaines conceptions postmodernistes, bien que développées dans les milieux les plus militants à gauche, ont fini par influencer l'ensemble de la classe politique. On se rappelle que la Coalition Avenir Québec, qui vient d'être élue, promettait un conseil des ministres «paritaire», empruntant clairement au lexique de la gauche féministe.

D'un autre côté, M. Legault a été élu pour ses positions fortes sur l'identité et l'immigration. Cette réalité démontre une fois de plus le décalage entre la culture «officielle» présentée par les médias et les arts et celle, «officieuse» des milieux populaires.

Sputnik: Vous avez fait un lancement de votre livre à Québec, le 5 septembre dernier. Des mouvements «antifascistes» ont menacé de perturber l'événement. Que s'est-il passé exactement?

Philippe Sauro Cinq-Mars: En effet, des personnes qui se proclament «antifascistes» ont appelé leurs partisans à poser des actes de perturbation à mon lancement sur les réseaux sociaux. Inutile de m'étendre trop là-dessus, car c'est presque devenu banal comme tactique. Ces gens-là n'hésitent d'ailleurs pas à propager des fake news sur ceux qu'ils n'aiment pas.

Ce qui est frappant, c'est le caractère très impulsif et émotif de leurs attaques. Ces gens-là ne liront jamais votre livre, ils s'en prennent à vous simplement pour avoir osé émettre des critiques sur la gauche. C'est un refus systématique du débat et on ne peut qu'y voir le penchant de ces militants radicaux pour la censure et le sabotage.

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Sputnik: D'ailleurs, récemment à Paris, des «antifascistes» ont menacé de perturber une séance de signatures d'Éric Zemmour. M. Zemmour a finalement dû s'y rendre entouré de 20 policiers. Les «antifas» du Québec et de France sont-ils les mêmes?

Philippe Sauro Cinq-Mars: On peut voir les antifascistes comme le bras armé du militantisme de gauche en Occident. C'est une sorte de mutation des mouvements Black Bloc du début des années 2000 face au retour des nationalismes. Les antifascistes cherchent ouvertement la confrontation. Le phénomène est encore relativement contrôlable au Québec, car ils ne sont pas assez nombreux pour s'imposer.

Il y a bien Montréal qui commence à être affectée par ce genre d'hostilité, mais la comparaison avec la France ou Paris serait probablement exagérée. La société française est beaucoup plus conflictuelle que la société québécoise, et les enjeux y sont plus grands. Cela dit, on parle de la même opposition entre la gauche «post-nationale» et les partisans de la réaffirmation nationale.

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