Le 17 octobre prochain, la marijuana deviendra légale au Canada. Le Canada deviendra ainsi le premier pays du G7 à légaliser «l'or vert». L'usage du cannabis était interdit depuis 1923, mais l'État fédéral autorisait sa consommation à des fins médicales depuis 2001.
Concrètement, le gouvernement canadien autorisera la possession d'une quantité de cannabis allant jusqu'à 30 grammes. La commercialisation du produit sera assurée par des sociétés d'État, gérées par les gouvernements provinciaux. Sans surprise, la consommation du pot sera également réservée aux adultes, l'âge minimal pouvant varier en fonction des provinces (18 ans au Québec, 19 ans en Ontario).
Jusqu'à 30 grammes autorisés pour les adultes
Le Premier ministre Justin Trudeau est si fier de son coup qu'il estime que le Canada pourrait donner l'exemple à des pays alliés. Selon lui, la légalisation de la marijuana est une décision «progressiste», qui serait avant tout prise pour le bien commun des Canadiens, du point de vue de la santé et de la sécurité publiques.
«Le Règlement sur le cannabis contribuera à protéger la santé et la sécurité des Canadiens, en particulier les jeunes, et favorisera une industrie légale concurrentielle en mesure de supplanter le marché illicite. Il énoncera les règles relatives à la production, à la distribution, à la vente, à l'importation et à l'exportation de cannabis en toute légalité», peut-on lire dans le communiqué de presse du gouvernement.
Mais surtout, en légalisant le cannabis, le gouvernement canadien espère renflouer ses caisses. Statistique Canada estime qu'environ 4,9 millions de Canadiens âgés de 15 à 64 ans ont acheté du cannabis en 2017, leurs dépenses totalisant environ de 5,7 milliards de dollars canadiens (3,75 milliards d'euros). Parmi eux, 90% ont acheté du cannabis à des fins récréatives.
Vente de pot: un marché lucratif pour les gouvernements?
Après la légalisation, pour chaque gramme de cannabis vendu à moins de 10 dollars canadiens (6,60 €), une taxe d'environ 0,98 dollar canadien (0,65 €) sera prélevée par l'État fédéral, lequel redistribuera un quart de la somme aux provinces. À ce montant s'ajouteront les taxes fédérales et provinciales à la consommation, qui oscillent entre 10% à 15%.
Interrogé par Sputnik, M. Boisvenu a rapidement évoqué «une catastrophe appréhendée» dans ce dossier. Et ce, pour plusieurs raisons. Premièrement, le sénateur met en garde contre l'engorgement du système judiciaire. Le gouvernement canadien pense décharger le système en limitant les arrestations pour possession de marijuana, mais en fait, il ne fera que déplacer le problème. Notamment en raison du nombre élevé de contestations de la loi qui est à prévoir.
«Beaucoup de dossiers vont aller jusqu'en Cour Suprême. On pensait libérer les palais de justice des causes [cas, nldr] de "pot", mais il va y avoir beaucoup plus de causes de contestation du règlement, notamment car les lois des provinces sur la marijuana ne sont pas totalement en phase avec la loi fédérale.»
«À mon avis, les conséquences de la légalisation sont sous-estimées par les gouvernements. Il y a d'abord des problèmes majeurs au niveau des réserves autochtones. Pour les Premières Nations, la légalisation sera un fléau. Déjà, ces peuples étaient aux prises avec des problèmes de drogue, et maintenant ils vont être aux prises avec plus de trafiquants et de production illégale. Il faut bien comprendre que la légalisation ne va pas du tout abolir le marché noir», a affirmé M. Boisvenu à Sputnik.
Le sénateur québécois s'inquiète aussi du nombre de gens intoxiqués qui conduiront leur véhicule, estimant dangereuse la conduite sous l'effet du stupéfiant. Il rappelle de plus que le test permettant de détecter cette substance dans l'organisme est beaucoup plus élaboré que l'alcotest… alors qu'il ne permet même pas de démasquer les gens qui ont mangé et non fumé de la marijuana… Et encore une fois, il craint une multiplication des contestations judiciaires, car les autorités ne seront pas prêtes à composer avec le phénomène.
Marijuana et conduite automobile: un cocktail explosif
L'ex-enquêteur de la Sûreté du Québec, Paul Laurier, partage l'avis de M. Boisvenu à ce sujet. Ce qui l'inquiète le plus est la sécurité routière. Non seulement la consommation de marijuana est dangereuse en soi pour les automobilistes, mais combinée à l'alcool et à d'autres drogues, elle pourrait faire des ravages. M. Laurier parle aussi de la combinaison fatale de textos et de marijuana au volant. Il rappelle qu'une fraction de seconde d'inattention suffit souvent pour créer des accidents mortels.
«Ma plus grande crainte, ça va être sur les routes. On va déplacer le problème. La police n'interviendra pas dans la rue, mais va devoir s'occuper des accidents causés par la consommation de pot. Les policiers vont intervenir sur beaucoup plus d'accidents. […] On va donc se retrouver avec une période de flottement. On a forcé le Sénat à passer cette loi-là, à dire oui, mais c'est évident qu'on n'est pas prêts. Les rapports scientifiques n'ont pas été considérés».
«La légalisation va généraliser et banaliser la consommation de la marijuana. Il va y avoir des effets nocifs sur la santé, c'est certain. Il y aura aussi des effets nocifs sur la santé mentale. Ce sont les gens qui vont payer pour cette expérience-là. […] La légalisation du cannabis, c'est un écran de fumée», s'est insurgé M. Laurier dans une entrevue avec Sputnik.
M. Laurier a aussi souligné que le crime organisé n'allait pas cesser du jour au lendemain de vendre du cannabis et que le Canada entrerait dans une «difficile période de transition». Ce que pense aussi M. Boisvenu. Paul Laurier a ajouté que beaucoup d'argent du crime organisé avait même été investi dans la production légale de marijuana.
Justin Trudeau sait-il qu'en 2014, les cas d'ingestion involontaire de cannabis par des enfants de moins de neuf ans ont augmenté de 34% au Colorado et que les accidents de la route impliquant des fumeurs de pot ont bondi de 75% en trois ans dans ce même État?