Réforme du droit d’auteur: vers un Web plus juste… et moins drôle

© Sputnik . Alexey Vitvitsky / Accéder à la base multimédiaParlement européen
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Les eurodéputés ont approuvé à 438 votes contre 226 la réforme du droit d’auteur, objet de vives controverses et de lobbying intense. Le texte pourrait avoir des conséquences directes sur l’utilisation d’Internet par les particuliers, les entreprises de presse… et les créateurs de memes ou de parodies.

Le droit d'auteur européen va-t-il tuer la création? Les eurodéputés ont adopté ce midi au Parlement à Strasbourg, en session plénière, la directive européenne sur le droit d'auteur, avec ces deux articles controversés: l'article 13, qui vise à inciter les plateformes à mieux rétribuer les créateurs de contenus, et l'article 11, qui doit permettre aux agences de presse, journaux et magazine d'être rétribués dès que leurs contenus apparaissent sur Google, par exemple.

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L'objectif de cette réforme, proposée par la Commission européenne en 2016, est d'adapter le droit d'auteur à l'ère du numérique, le texte précédent datant de 2001. Géants du Web, médias, créateur, militants de la liberté sur Internet ne se seront jamais autant affrontés.

«Même si les articles 11 et 13 s'adressent à deux types de contenus différents, d'un côté tout ce qui est de l'ordre de la création culturelle et de l'autre la presse, en fait il s'agit du même problème»,

explique François Vermorel, militant du parti Pirate, dont la formation était représentée par la députée allemande Julia Reda.

«En étendant un système de blocage sur les contenus, on ira vers un système de censure automatisé. Les plateformes, Google, Facebook, n'auront pas d'autres choix. Ça va être la mise en place de système qui existe déjà, des robots copyright, qui vont filtrer les contenus du Web.»

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Les plateformes doivent s'assurer que chaque contenu (texte, son, vidéo) fait l'objet d'un accord avec les ayants-droits, à défaut de quoi cas la publication sera bloquée… Très concrètement, si un internaute veut poster la photo détournée d'une star quelconque sur sa page Facebook, que se passe-t-il?

«Le plus probable, c'est que vous n'y parveniez pas. Soit on vous demandera de payer, mais ça, c'est impossible, Facebook non plus. Cette photo sera automatiquement censurée», se désole François Vermorel.

Perfusion pour les groupes médias financièrement mal en point, l'article 11, rebaptisé «link tax», doit permettre aux journaux ou agences de presse de se faire rémunérer lors de réutilisation en ligne de leurs contenus par Google News.

Pour ces détracteurs, cette mesure complexifie le droit d'auteur et pénalise les bloggeurs: un internaute voulant ajouter un article de presse dans son article Wikipédia devra demander l'autorisation à l'éditeur pour le citer, par exemple: «On n'imagine pas non plus Wikipédia fonctionner sans que ces milliers de bénévoles ne puissent s'échanger des liens», commente François Vermorel.

Elle ne garantira pas nécessairement une meilleure rémunération des journalistes, estiment certains, mais renforcerait au contraire les Gafa: en 2012, Google News avait décidé de retirer ses services en Espagne, qui l'obligeait à rémunérer les entreprises de presse dont il reproduisait les contenus, et menacé des centaines de médias allemands de ne laisser apparaître que le titre de l'article, sans description ni image…
«Le piège va vite se refermer», estime Guillame Champeau, Directeur Ethique et Affaires Juridiques de Qwant, «le moteur de recherche européen qui protège votre vie privée». Il dénonce une vision à court terme:

«Non seulement Google évitera de payer en arrêtant d'afficher des "snippets" de contenus de la presse en ligne, mais il demandera aux éditeurs de presse de le payer lui pour bénéficier du service d'hébergement.»

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De même pour l'article 13, qui va imposer aux plateformes des moyens techniques et financiers conséquents pour détecter les œuvres protégées par le droit d'auteur et crée «une nouvelle barrière à l'entrée pour les concurrents qui n'iront pas sur un marché dont l'équilibre économique est déjà des plus difficiles à trouver». Il servira finalement les intérêts de l'hégémonique Google.

L'accord est «historique» se félicite en revanche l'eurodéputée communiste Marie-Pierre Vieu dans un communiqué:

«Depuis des années, les plateformes numériques tirent des bénéfices énormes des créations de contenu de presse et contenus artistiques sans rémunérer les créateurs.»

Si le texte est un «pas en avant pour la rémunération des auteurs sur le Net», les «contenus générés par les utilisateurs à des fins de caricature, de parodie ou de critique» manquent encore de «garanties», poursuit la députée.

Pour rajouter à la complexité du dispositif, parce qu'il s'agit d'une directive, chaque État membre devra la traduire dans son droit national, les nouvelles règles pourront donc varier selon les pays. Le bon côté des choses pour les tenants du statu quo est que cette implémentation dans les droits nationaux pourrait prendre plusieurs années. 

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