Selon le ministère, ces frappes ont provoqué des incendies importants. On ne dispose toujours pas de données précises sur les victimes. Les représentants du Pentagone ont naturellement démenti ces propos, en affirmant que les militaires américains ne disposaient pas d'armes de ce type dans la zone mentionnée. Mais, compte tenu de l'expérience des dernières décennies, on sait que les forces armées des États-Unis et de leurs alliés utilisent régulièrement des munitions au phosphore blanc. Pourquoi l'armée la plus puissante du monde ne semble-t-elle pas pressée de se débarrasser de cette arme connue depuis plus de 100 ans?
Un feu impossible à éteindre
La température de combustion du phosphore blanc s'élève à 1.200 ou 1.300 ºC, ce qui est comparable à celle de la lave des volcans. Au contact du corps, cette substance brûle immédiatement les vêtements et inflige des brûlures très graves, voire létales, à la personne touchée. Sa combustion s'accompagne de l'émission d'un gaz spécifique et très toxique. Il est très difficile d'éteindre le feu du phosphore blanc: il est très résistant à l'eau, et les extincteurs sont pratiquement impuissants dans ce cas-là. La réaction s'arrête une fois la substance épuisée, ou à cause d'un manque d'oxygène. Le phosphore blanc peut même brûler dans l'eau. On a constaté des cas où des particules de cette substance pénétraient le corps avec des fragments de munitions pour ensuite s'enflammer sur la table d'opération après l'ouverture de la blessure par un chirurgien qui tentait de dégager ces fragments. Un bon remède est le sulfate de cuivre, mais il n'est pas disponible dans toutes les unités militaires ou de pompiers.
En 1977, la Convention de Genève pour la protection des victimes de la guerre de 1949 a été élargie par des protocoles supplémentaires interdisant l'utilisation de munitions au phosphore blanc dans le cas où les frappes pourraient toucher des civils. Les États-Unis ont refusé de signer ces amendements, prévoyant probablement les spécificités des conflits du futur, où il est souvent difficile de faire la distinction entre un site militaire et un site civil. Ainsi, les terroristes syriens utilisent souvent les civils en tant que bouclier humain et installent leurs positions de tir et leurs états-majors dans des immeubles résidentiels. Dans tous les cas, le Pentagone ne reconnaît l'utilisation des munitions au phosphore que très rarement et du bout des lèvres, car cette arme ne correspond pas vraiment à la rhétorique de la démocratie et des droits de l'homme. Dans tous les cas, on a déjà plusieurs fois pris les Américains en flagrant délit.
L'usage et la modernisation
Ainsi, les États-Unis ont utilisé des bombes au phosphore en 2004 pour briser les résistants de la ville irakienne de Falloujah. Les médias ont publié des images d'explosions blanches très spécifiques dans les zones urbaines et les brûlures terribles des habitants, ce qui a forcé le porte-parole du Pentagone Barry Venable à reconnaître l'utilisation de cette substance. Il a pourtant précisé que les Américains avaient frappé uniquement des cibles militaires. Les USA ont eu recours aux mêmes méthodes en été 2017, lors des bombardements massifs et non-sélectifs de la ville syrienne de Raqqa, «capitale» de l'État islamique autoproclamé. L'utilisation de munitions au phosphore a même été confirmée par Human Rights Watch, qui préfère souvent ignorer les exactions des militaires américains. Dans tous les cas, les États-Unis font fi de ces accusations et n'ont visiblement aucune envie de renoncer à ces armes.
Il rappelle également que les Américains ne s'empressent pas de détruire leurs arsenaux chimiques. Selon lui, les États-Unis forment une base de munitions interdites — sorte de réserve secrète qui pourrait être utilisée dans une «grande guerre» pour obtenir un avantage par rapport à l'ennemi qui a depuis longtemps renoncé à ces armes. Qui plus est, les USA montrent un mauvais exemple à leurs alliés. Le Royaume-Uni et Israël ont, par le passé, utilisé des munitions au phosphore blanc au Moyen-Orient, alors que les journalistes russes ont enregistré en 2014 une vidéo de ces explosions très caractéristiques à Semionovka, dans le Donbass. Il s'agissait de bombardements lancés par l'armée ukrainienne. Kiev a naturellement démenti ces informations.