Le portail allemand Heise fait remarquer qu'une ligne antirusse est apparue clairement lors du dernier sommet de l'Otan, quand Trump a qualifié l'Allemagne d'«otage de la Russie» parce qu'elle payait des milliards d'euros pour le gaz à la Russie, et comptait même renforcer cette dépendance avec le gazoduc Nord Stream 2.
Dans les faits, le GNL américain est bien plus coûteux que le gaz russe, explique le média allemand. Et si le Nord Stream 2 acheminait davantage de gaz russe en Europe, les importations gazières doubleraient de facto pour atteindre 110 milliards de mètres cubes, ce qui fera probablement évoluer leur prix. Le peu de terminaux européens de GNL existants sont sollicités au quart de leur capacité à cause du coût élevé de cet hydrocarbure. D'après Heise, la situation ne risque pas de changer avec la construction du nouveau terminal de GNL à Brunsbüttel, selon l'accord passé avec le Président américain, censé faire contrepoids au Nord Stream 2 et qui devrait coûter 500 millions d'euros. En effet, le prix du GNL risquerait d'augmenter si l'UE, et notamment l'Allemagne, ne souhaitait pas subventionner le gaz liquéfié américain.
Les scénarios d'intimidation sur la base des intérêts géopolitiques
L'an dernier déjà, la Russie satisfaisait le tiers des besoins de l'UE en gaz. Au premier trimestre 2018, cette part a augmenté jusqu'à 41%, tandis que la part du GNL stagnait à 12% et celle du GNL américain à 1%. Étant donné que le volume de gaz acheminé en Allemagne et en UE en contournant l'Ukraine doublera, il faut s'attendre à ce que les revenus tirés du gazoduc diminuent — parce que les taxes de transit ukrainiennes rendent le gaz plus coûteux. Toutefois, Vladimir Poutine a promis de continuer de fournir du gaz via l'Ukraine, «tant que ces fournitures seront économiquement bénéfiques».
L'un des problèmes est que les nombreuses bases militaires en Europe, et avant tout en Allemagne, dépendent de l'énergie russe, rappelle le média allemand. Inquiets de ces circonstances, les sénateurs républicains Patrick Toomey, John McCain, Robert Casey et Joe Manchin ont écrit ce 25 juillet au ministre américain de la Défense James Mattis pour exiger de prendre d'urgence des mesures afin de «protéger nos opérations militaires contre toute manipulation russe ou contre toute perturbation des fournitures énergétiques». D'après les sénateurs, la Russie continuera d'utiliser l'énergie comme une «arme politique» (bien que les problèmes liés aux fournitures énergétiques aient été provoqués par l'Ukraine), c'est pourquoi les militaires américains doivent montrer l'exemple et indiquer comment mettre un terme à la dépendance envers l'énergie russe. Les sénateurs mentionnent notamment les plans de construction d'un hôpital militaire américain en Allemagne, où il est prévu d'installer une centrale fonctionnant avec du gaz russe.
Constance Douris utilise des scénarios classiques d'intimidation uniquement du point de vue américain, qui n'est pas forcément partagé ou ne doit pas forcément être partagé par les Européens, selon le portail allemand.
Constance Douris préconise de créer dans les bases américaines des micro-réseaux électriques qui produiraient du courant en cas de coupure électrique centralisée. Selon elle, cela devrait même être fait indépendamment de la «menace russe», parce que dans les infrastructures critiques comme les hôpitaux, les centrales et les aéroports il existe généralement des systèmes électriques de réserve fonctionnant, par exemple, avec des générateurs.
Dans les réflexions de Constance Douris, l'augmentation des exportations de GNL américain ne joue aucun rôle. A noter également que la Russie, malgré le conflit grandissant avec l'Otan et l'avancée de l'organisation vers l'Est, n'a jamais recouru aux livraisons énergétiques comme un moyen de pression, indique Heise. Jusqu'à présent, elles ont seulement été utilisées avec l'objectif d'intimider par une partie intéressée cherchant à exacerber le conflit et à rendre l'Europe encore plus dépendante des USA, voire y assurer leur domination, conclut le média.