Dans quelques années, on se souviendra peut-être de l'été 2018 au Québec comme celui des controverses artistiques devenues… politiques.
Le 26 juin dernier, une centaine de personnes se sont rassemblées devant le Théâtre du Nouveau Monde, à Montréal, pour manifester contre la tenue d'un spectacle de Robert Lepage. Visant pourtant à promouvoir la culture noire, le spectacle a été jugé raciste par un certain nombre de militants montréalais.
Un été pas comme les autres pour les artistes québécois
Après cette annonce, plusieurs chroniqueurs ont averti dans les médias que l'incident pourrait constituer un grave précédent. Ils ont relevé qu'interdire un premier spectacle pourrait favoriser le retrait d'autres spectacles à l'avenir. Plusieurs se sont donc opposés au message que cette décision pouvait envoyer. Le 4 juillet, une chroniqueuse bien connue du Journal de Montréal, Josée Legault, a écrit:
«En annulant SLAV, le Festival International de Jazz de Montréal commet malheureusement une gravissime erreur de jugement. Une erreur qui, surtout, en ce XXIe siècle au Québec, risque fort de constituer un inquiétant précédent en matière de liberté artistique, de création et d'expression.»
L'annulation de ces deux spectacles n'a pas seulement fait réagir les chroniqueurs au Québec. Le chef du Parti québécois, Jean-François Lisée, a écrit sur Twitter qu'il s'agissait d'un intolérable «recul pour la liberté artistique». Quant au chef de la Coalition Avenir Québec, François Legault, il a affirmé qu'il s'agissait d'un phénomène «dangereux»:
«On ne peut pas commencer à empêcher, à bloquer, la liberté d'expression. Des artistes comme Robert Lepage ont le droit de s'exprimer. Je trouve ça dangereux qu'une société s'oppose à ce genre de spectacle», a déclaré François Legault lors d'une conférence de presse donnée dans la région de la Beauce.
Une, deux puis trois controverses: un effet d'entraînement
Restés anonymes, les activistes dénoncent le «spécisme» dont feraient preuve les producteurs du spectacle Oydesso, la compagnie Cavalia. Le spécisme est un concept apparu dans le monde anglophone dans les années 1970, qui renvoie à une sorte de «racisme» envers les animaux. L'un des grands promoteurs de cette notion est le philosophe australien Peter Singer, à qui l'on doit le célèbre essai Animal Liberation. Les antispécistes plaident pour l'établissement d'une relation plus «égalitaire» entre les êtres humains et les autres animaux.
Une trentaine de personnes étaient présentes à la première représentation du spectacle Odysseo pour manifester. Mais deux autres vigiles «antispécistes» sont déjà prévues à Montréal les 7 et 12 août prochains. Le 31 juillet dernier, une vigile du même genre a également eu lieu au Zoo de Granby, une attraction très importante pour l'économie de la Montérégie. Les militants présents ont affirmé que leur objectif était de faire fermer le zoo pour mettre fin à l'exploitation animale.
Des boucheries vandalisées
Précisons que ces manifestations surviennent environ un an après que des militants antispécistes et végétariens ont vandalisé une boucherie à Montréal. Le 28 juin 2017, des activistes ont fracassé la vitrine d'une boucherie du quartier Griffintown et laissé un message haineux à leurs propriétaires. Ces derniers ont été avertis de ne plus «mutiler et de vendre les animaux non humains». Le message laissé sur les lieux disait aussi que de plus en plus de boucheries seraient vandalisées dans la métropole.
Plus récemment, le Journal de Montréal nous a appris qu'une bouchère de 26 ans avait reçu des menaces de mort de la part d'activistes antispécistes et végétariens. Les militants de la cause animale auraient aussi réussi à faire fermer son compte Instagram, ce qui l'aurait privé de nombreux contrats.