La valse des sélectionneurs donne le tournis à l'équipe de foot algérienne

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Sept chefs d'orchestre en quatre ans, c'est un bon score pour une équipe gouvernementale dans un régime parlementaire, style IIIe République. Ça l'est un peu moins quand il s'agit d'une équipe de football. Que se passe-t-il au sein de la sélection nationale algérienne?

Aux dernières nouvelles, relayées par les médias algériens, le président de la fédération de football, Kheireddine Zetchi, promettrait une surprise de taille! Depuis des semaines, fusent de tous côtés pronostics et pistes sur la personnalité qui remplacera Rabeh Madjer à la tête de la sélection algérienne.

​L'ancien international algérien, devenu entraîneur, avait été remercié au bout de 8 mois. Une longévité honorable à comparer avec certains de ses prédécesseurs: Lucas Alcaraz (6 mois), Georges Leekens (6 mois), Milovan Rajevak (4 mois), Nabil Neghiz (intérim de deux mois). En remontant plus loin, on retrouve Christian Gourkuff (20 mois) Vahid Halilhodžić (3 ans).

«Halilhodžić a mis la barre très haut. Aujourd'hui, le parc algérien est demandeur d'une certaine qualité de résultats. Or, on n'arrive pas à trouver d'entraîneur qui fasse mieux que Halilhodžić. Les résultats montrent qu'on est en marche arrière depuis deux ou trois ans», a déclaré Nasser Sandjak, ancien sélectionneur de l'équipe algérienne, à Sputnik.

L'ère de Vahid Halilhodžić renvoie à une sorte d'âge d'or du football algérien. Pour la première fois de leur histoire, en 2014, les Fennecs se qualifiaient aux huitièmes de finale de la Coupe du Monde. Pour Ihsane El Kadi, journaliste spécialiste du football algérien, le déclenchement du «cycle d'instabilité» est à situer au moment du divorce entre le sélectionneur bosniaque et les Fennecs.

«La fédération s'est trop précipitée de se séparer de Halilhodžić. Depuis, les résultats ont eu du mal à suivre, notamment avec une élimination, dès le premier tour, de la CAN 2017, ou l'échec à se qualifier à la Coupe du monde 2018. La gestion de l'après-Halilhodžić s'est mal faite. On venait de se qualifier au second tour de la Coupe du Monde, et beaucoup d'entraîneurs étaient intéressés par l'Algérie. Or, aujourd'hui, ils ont peur d'entraîner l'Algérie à cause du chaos qui règne», analyse Ihsane El Kadi, dans un entretien avec Sptunik.

Un cercle vicieux, somme toute, où résultats insuffisants et imbroglios administratifs se conjuguent pour décourager les sélectionneurs de haut niveau, ce qui pèsera encore plus sur la prestation des Fennecs. L'après-Halilhodžić a été d'autant plus compliqué à gérer qu'il a coïncidé avec l'élection d'un nouveau bureau fédéral. Kheireddine Zetchi, président d'un club algérois, le Paradou AC, succédait, le 20 mars 2017, au tout puissant Mohamed Raouraoua. Pour les deux experts approchés par Sputnik, le point de départ du cycle est à corréler avec ce changement.

«C'est avant tout un problème de management. Un manager peut être fort ou faible. Dans le second cas, il ouvre la porte à l'immixtion de la politique dans la gestion de ses affaires. Kheireddine Zetchi avait suscité bien des espoirs à son élection, il y a un peu plus d'un an. C'est un jeune, qui a fait du bon travail en club, notamment dans la formation des jeunes, et qui a globalement une démarche intéressante. Mais une fois aux affaires, il s'est montré faible face aux injonctions politiques, et de ce point de vue, il a perdu de son autorité», compare El Kadi, qui s'estime «déçu» par Kheireddine Zetchi.

S'il ne fait pas de doute, pour cet expert algérien, que le président de la fédération doit être adoubé par le pouvoir, il convient tout de même de distinguer «différents degrés d'alignement». À ce titre, l'épisode de Rabah Madjer, dernier sélectionneur en date, est très révélateur du peu d'indépendance dont jouit Zetchi. Le «pire sélectionneur» de ces dernières années aura été recommandé par le ministre El Hadi Ould Ali à la fédération, qui n'a rien trouvé à redire.

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Tout en reconnaissant un problème de management, Nasser Sandjak extrapole en relevant la faiblesse des institutions sportives, puisque tout est ramené au leadership personnel exercé par le président. Ainsi, «en Algérie, et en Afrique plus généralement, un changement à la tête d'une fédération affectera tous les niveaux de décision. C'est beaucoup moins le cas en Occident, où ces changements n'impliquent pas de grands bouleversements».

Ces chambardements supposent, dans le cas algérien, un certain temps nécessaire à la restructuration en cours, poursuit Sandjak. Ce délai permettra à la nouvelle direction de s'affirmer et d'imposer ses propres mesures. Le tout en essayant de gérer la double pression, politique et populaire, puisque «quand le sélectionneur ne répond pas aux attentes, du gouvernement ou des supporters, ça crée un véritable cyclone médiatique» difficile à gérer pour la fédération.

Pour endiguer un tant soit peu ces vicissitudes, Ihsane El Kadi suggère, entre autres réformes urgentes, de changer le mode de scrutin de la Fédération, pour soustraire le bureau aux pressions politiques.

«Sur le plan technique, ensuite, il faut désigner une direction technique nationale (DTN). Dans les fédérations sérieuses, ce sont les DTN qui dictent la politique du football, les modes opératoires, et jusqu'au profil de l'entraîneur dont on a besoin. Nous, il nous manque une DTN, qui exerce aussi un rôle de conseiller technique sur le choix du sélectionneur. Or, actuellement, c'est le président de fédération, avec quelques collaborateurs, qui part débaucher tel ou tel entraîneur comme on part faire des courses sur le marché», a ajouté le journaliste algérien.

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Qui sera le prochain sélectionneur des Fennecs? Pour El Kadi, la fédération exige du successeur de Madjer une expérience africaine, une maîtrise du français (langue véhiculaire), avec pour objectif de qualifier l'Algérie à la CAN 2019 et à la Coupe du Monde 2022.

Le sélectionneur du Maroc, Hervé Renard, aurait été le favori de la fédération, avant qu'il n'affirme qu'il n'avait pas l'intention de quitter son poste. «Un profil comme Gernot Rohr, l'actuel sélectionneur du Nigéria, me paraît dès lors plausible», se hasarde El Kadi, alors que les pages et rubriques sportives des médias algériens ne tarissent de spéculations…

C'est qu'à mesure que le suspense se lève sur la vraisemblable réélection du Président Abdelaziz Bouteflika pour un cinquième mandat, seule l'identité d'un nouveau sélectionneur incarne, aujourd'hui, la part de mystère qui stimule encore les Algériens.

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