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Les économistes ne mangent pas tous des enfants! Rendez-vous chaque semaine avec Jacques Sapir, Clément Ollivier et leurs invités pour égrener les sujets de fond qui se cachent derrière le tumulte de l’actualité.

Le coût honni des colonies

Jacques Sapir
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Est-il possible d’évaluer ce que la colonisation a coûté et rapporté? Qui en furent les gagnants et les perdants? Quel rapport ont les anciens pays colonisateurs et les anciens colonisés à cet aspect économique? L’ex-ambassadeur de France Michel Raimbaud et le militant congolais Didier Mahouèle sont les invités des Chroniques de Jacques Sapir.

Le retour du débat sur la question coloniale, ou «décoloniale» comme disent aujourd'hui certains, rouvre de vieilles blessures mais fait aussi ressurgir de vieilles interrogations. Parmi elles, celle du coût de la colonisation. Si cette période violente de l'histoire ne se résume pas à la question de son prix, l'aspect économique n'en est pas moins important. On sait que l'exploitation coloniale générait de juteux bénéfices, mais au profit et au détriment de qui? Est-il pertinent d'opposer les peuples colonisés aux peuples colonisateurs, ou s'agit-il plutôt d'un enrichissement de personnes privées aux frais des collectivités? En somme, comme le formulait l'historien Jacques Marseille de façon volontairement provocante, la colonisation a-t-elle vraiment été une «bonne affaire» pour la France, ou seulement pour quelques-uns?

Jacques Sapir et Clément Ollivier reçoivent Michel Raimbaud, ancien ambassadeur de France dans plusieurs pays d'Afrique, et Didier Mahouèle ma Makita, coordinateur Europe et Amérique du parti politique congolais UPADS (Union panafricaine pour la démocratie sociale).

Michel Raimbaud souligne que le coût de la colonisation n'est pas que financier: «Il y a aussi eu un coût politique, culturel et même mental, et peut-être est-ce le problème le plus irréductible maintenant. Dans ce qui est resté de la colonisation, il y a trois phénomènes: le Franc CFA, qui est un phénomène économique, mais aussi la francophonie et puis ce qu'on appelle la Françafrique, qui sont des phénomènes culturels et politiques. Cette colonisation mentale, elle se matérialise dans la difficulté qu'ont les pays africains à se défaire de certains liens avec la France, ce qui nuit parfois à leur développement.»

Didier Mahouèle regrette qu' «il n'existe pas de position officielle de la France sur cette question, il n'y a pas de doctrine diplomatique. Nous n'avons que le travail des chercheurs, comme Jacques Marseille ou Élise Huillery qui ont eu le courage d'aborder ce problème. Alors y a-t-il eu un fardeau de la colonisation? Nous, anciens colonisés, ne pouvons pas dire si la France a subi un fardeau avec la colonisation, puisqu'il y avait imbrication des budgets. Les colonisés ont aussi participé au financement des colonies par les impôts qu'ils payaient à la France.»

Selon Jacques Sapir, plutôt que d'opposer le fardeau des colonisés à celui des colonisateurs, il est plus juste d'analyser la colonisation comme un coût pour la collectivité mais des bénéfices pour les privés: «Dès la fin du XIXe siècle, on voit bien que les grands bénéficiaires de l' "aventure" coloniale, ce sont des grands groupes privés. L'État met de l'argent dans les colonies, mais ce sont les entreprises qui en tirent des profits, parfois extrêmement importants. Si on prend par exemple le cas de l'Algérie, il y a eu toute une série de projets de développement industriel, dès le Second Empire, mais ils ont été systématiquement torpillés par les grands industriels français, par peur que se développe en Algérie une industrie d'État qui concurrencerait leurs exportations.»

 

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