Comme le constate dans son commentaire à Sputnik le politologue et directeur de l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) Pascal Boniface, «on n’a pas pu bénéficier de la sortie de la guerre froide […], alors que normalement on aurait dû atteindre un niveau de relations beaucoup plus tranquilles et apaisées entre Moscou et l’Occident». Or, si ce n’est pas le cas, ce rapprochement n’existe pas pour une multitude de raisons. Cela étant dit, l’Otan en tant que telle reste «une survivance de la guerre».
Mais qui menace qui dans cette relation tumultueuse? Les chiffres parlent d’eux-mêmes: selon un rapport de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI) publié début mai, les 29 membres de l’Otan ont, ensemble, dépensé 900 milliards de dollars pour leur défense en 2017, soit 52% des dépenses mondiales dans ce domaine. D’après le même rapport, les dépenses militaires de la Russie ont chuté en 2017 de 20%, pour s’établir à 66,3 milliards de dollars, une première depuis 20 ans.
D’ailleurs, tout laisse croire que les pays de l’Otan ne s’arrêteront pas là. Donald Trump et l'Alliance ont exigé que les pays membres de l’Alliance portent leurs dépenses militaires à 2% de leur PIB immédiatement et non à l’horizon 2024. Et l’insistance sur cette question de celui qui qualifiait l’Otan d’«obsolète» pendant sa campagne électorale a toutes les chances d’avoir de l’effet, vu l’influence des États-Unis sur l’organisation.
Quel peut alors être le choix des pays européens qui se retrouvent confrontés à ce genre de «chantage»? Répondant à cette question de Sputnik, Pascal Boniface souligne que tout dépend de l’attitude des pays.
«Certains qui voient dans la Russie une menace existentielle comme la Pologne et les pays baltes qui craignent avant tout un lâchage par les États-Unis, et lorsque Trump menace comme cela, ça leur fait extrêmement peur. D’autres, comme la France et, j’imagine, l’Allemagne, aujourd’hui estiment qu’il n’y a pas à céder à ce type de chantage, que les décisions doivent être prises de façon nationale et qu’il a une sorte de remise en cause de notre indépendance, si on devait se contenter d’appliquer les décisions prises par Washington», explique-t-il.
Et de rappeler que l’armée française était engagée sur plusieurs terrains hors de ses frontières. Par conséquent, doper les dépenses militaires signifie aussi «se donner plus de marge de manœuvre par rapport aux Américains».
«L’augmentation des dépenses militaires n’est pas forcément le suivi par rapport aux États-Unis, elle peut être aussi un moyen de conserver, de prendre une certaine autonomie par rapport aux Américains en réduisant notre dépendance à leur égard», conclut-il.