Mali: la France et le G5 Sahel dans le piège des tensions interethniques

© AFP 2024 LUDOVIC MARIN(From L) Mali's President Ibrahim Boubacar Keita, Mauritania President Mohamed Ould Abdel Aziz, French President Emmanuel Macron, Niger's President Mahamadou Issoufou and Burkina Faso's President Roch Marc Christian Kabore leave the African Union summit to go to a meeting of the G5 Sahel "College de defense du G5 Sahel" CDS meeting in Nouakchott on July 2, 2018.
(From L) Mali's President Ibrahim Boubacar Keita, Mauritania President Mohamed Ould Abdel Aziz, French President Emmanuel Macron, Niger's President Mahamadou Issoufou and Burkina Faso's President Roch Marc Christian Kabore leave the African Union summit to go to a meeting of the G5 Sahel College de defense du G5 Sahel CDS meeting in Nouakchott on July 2, 2018. - Sputnik Afrique
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Lors de sa visite en Mauritanie, Emmanuel Macron a réaffirmé le soutien de la France aux pays du Sahel dans leur lutte contre le terrorisme. Un combat dans lequel la France a déjà beaucoup donné. Pourtant, à la veille des présidentielles maliennes, le terrorisme islamiste n’est pas l’unique menace à la stabilité de la région.

«Éradiquer le terrorisme,» de la bande sahélo-saharienne, tel est l'objectif annoncé par Emmanuel Macron, le 2 juillet, lors de la première étape d'une mini-tournée africaine consacrée à la sécurité.

En visite à Nouakchott, capitale mauritanienne, pour le 31e sommet de l'Union africaine, le Président de la République a pu s'entretenir avec ses homologues du G5 Sahel (Mali, Niger, Burkina Faso, Tchad, Mauritanie), les rassurants sur la détermination de la France à venir à bout de la menace terroriste qui gangrène leurs pays.

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La veille de cette rencontre présidentielle, un véhicule blindé de l'opération Barkhane a été la cible d'un attentat-suicide à la voiture piégée, à Gao, au nord du Mali. Bilan: quatre blessés graves parmi les militaires français, quatre morts et vingt-trois blessés parmi les civils.

Vendredi 29 juin, à Sévaré, dans le centre du pays, deux soldats de la force conjointe G5 Sahel (G5S) étaient tués dans l'explosion d'une autre voiture piégée dans une attaque contre leur Quartier général. Comme le relate France24, ce centre de commandement opérationnel, qui n'était opérationnel que depuis octobre dernier, a en partie été dévasté. Un attentat revendiqué par Le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans, une alliance de groupes djihadistes liée à Al-Qaïda. Un coup dur pour le G5S, censé prendre la relève de Barkhane et assurer les missions lutte antiterroriste dans la bande sahélo-saharienne.

Une série d'attaques qui survient un mois avant le premier tour des élections présidentielles au Mali. Les premières depuis août 2013, qui s'étaient tenues dans la foulée de l'accord de cessez-le-feu de Ouagadougou et de l'intervention militaire française au Mali afin de stopper l'avancée vers le Sud (Sévaré et Bamako) des djihadistes d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), du Mujao et d'Ansar Eddine.

«On a du mal à comprendre les annonces qui sont faites et la réalité sur le terrain, le terrorisme n'est pas le seul problème au Mali»,

met cependant en garde Leslie Varenne, directrice de l'institut de Veille et d'Étude des Relations Internationales et Stratégiques (IVERIS). Celle-ci insiste sur la complexité d'un dossier dans lequel nous n'avons pas toutes les clefs de lecture.

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Pour la géopolitologue, à l'heure actuelle les tensions interethniques constituent la principale menace à la sécurité de la région. Un entrelacement, au milieu duquel la France a bien du mal à naviguer sans se faire des ennemis. Plus de quatre ans après le lancement des opérations militaires au Mali, les militaires français se seraient ainsi «aliénés» les deux principaux camps, n'étant plus perçus dans le pays comme les sauveurs des premiers jours, et ce malgré les meilleures intentions.

«Cela a été de courte durée», relate Leslie Varenne qui évoque l'alliance faite entre Serval et les indépendantistes du MNLA (Mouvement national pour la libération de l'Azawad) afin de combattre la menace djihadiste dans le massif des Ifoghas, à cheval entre le Mali et l'Algérie. Une alliance mal perçue par les populations du Sud du pays et les autorités de Bamako. Par ailleurs, le refus français de laisser les forces loyalistes maliennes entrer dans Kidal, capitale des Ifoghas, de crainte de voir les voir perpétrer des exactions, fut perçu par les autorités maliennes comme un autre affront.

«C'est vrai que l'armée malienne avait commis des exactions contre les populations sur son passage. Cela justifiait, à mon avis, que l'armée malienne ne rentre pas à Kidal.»

En mai 2014, Moussa Mara, Premier ministre fraîchement nommé par le Président malien Ibrahim Boubacar Keïta, contre l'avis de la mission de l'Onu (MINUSMA) et de la France, avait absolument tenu à se rendre à Kidal, où il avait réaffirmé la souveraineté du Mali. La ville était alors la proie d'une flambée de violences, avant que les indépendantistes n'annoncent la prise du gouvernorat Kidal et que les corps de plusieurs officiels maliens soient retrouvés.

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Malgré un accord de cessez-le-feu négocié entre les forces gouvernementales et les rebelles, grâce à la MINUSMA et à Barkhane, l'armée malienne lançait une offensive d'envergure pour prendre Kidal. La manœuvre se soldait par une cuisante défaite, doublée d'une contre-attaque des rebelles qui reprenaient aux forces maliennes le contrôle de plusieurs localités autour de Kidal ainsi que dans la région de Tombouctou. Face à la débâcle des forces maliennes, les rebelles n'avaient cessé leur progression vers le Sud qu'à la demande de la France et de la MINUSMA.

«On peut clairement se poser des questions par rapport à cette recrudescence de violences intercommunautaires. Je pense qu'elles sont, en grande partie, instrumentalisées par le pouvoir de Bamako actuellement.»

Derrière ce fiasco, Leslie Varenne pointe du doigt le rôle trouble du sommet de l'État malien, un pouvoir «qui joue son jeu à lui, pas forcément avec l'allié français» sur lequel Bamako comptait initialement pour entrer dans Kidal. La géopolitologue évoque notamment une note d'analyse publiée sur le site de son institut par un ancien ministre malien.

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Dans celle-ci, Yehia Ag Mohamed Ali —originaire de Tombouctou- revient sur rôle joué par l'actuel Président Ibrahim Boubacar Keïta et son Premier ministre, Soumeylou Boubèye Maïga. Un duo indissociable de la scène politique malienne depuis la chute Moussa Traoré en 1991, notamment lors de précédentes flambées de violences et d'exactions dans le nord du pays dans la première moitié des années 90.

Dans cette note, l'ancien ministre, accuse l'actuel président malien d'être à l'origine d'une campagne médiatique de dénigrement de l'armée française, sur fond de préparation de la reprise de Kidal.

«Il montre que ce qui se passe aujourd'hui s'est déjà passé et que ces deux personnes utilisent les conflits intercommunautaires […] à des fins de politique intérieure.»

Des jeux de politique interne qui jouent en défaveur de la mission des militaires français et de l'Onu dans la région. Leslie Varenne est d'ailleurs peu optimiste quant à l'issue de la mission Barkhane ou de la force G5S qui doit prendre le relais.

«On ne gagne pas une guerre si on n'a pas la confiance de la population. C'est le problème auquel est confronté Barkhane et le G5 Sahel actuellement. Vous avez de plus en plus de voix qui s'élèvent au Mali, mais aussi au Niger, demandant l'arrêt de Barkhane.»

Pour rajouter à ces difficultés de politique intérieure africaine rencontrées par les Français au Mali, s'ajoute un volet d'une autre ampleur: le manque de financement de cette opération antiterroriste par les partenaires européens, avec 50 puis 100 millions d'euros de promesse de dons faite en début d'année.

«Si la barrière du Sahel devait céder, les rives de la Méditerranée seraient débordées», déclarait ainsi le 2 juillet Emmanuel Macron, une manière de rappeler que ce qui se joue au Mali ne regarde pas uniquement la France. Les 13 militaires français tués au cours de l'opération Barkhane s'ajoutent aux 9 tués durant l'opération Serval. Un coût humain, auquel s'ajoutent les dégâts matériels (dont un Mirage 2000-D et un hélicoptère Caracal) qui accompagnent forcément les OPEX.

Pourtant, la pérennisation du financement de la Force G5 Sahel est loin d'être assurée sur le long terme. En effet, si à l'issue de la Conférence internationale de Bruxelles, le 23 février, les promesses de dons s'élevaient à 414 millions d'euros, cette somme ne couvrira que les frais de fonctionnement de la force conjointe pour 2019 (coûts estimés à 423 millions d'euros).

Afin de pallier ces difficultés financières, le Secrétaire général de l'Onu avait d'ailleurs déposé un projet de résolution afin que le G5 Sahel soit directement financé par les Nations unies. Une initiative qui ne vit jamais le jour après le veto des États-Unis. Un refus américain, qui interpelle particulièrement Leslie Varenne. Selon elle, l'explication qui fut donnée de la volonté de Donald Trump de revoir à la baisse les dépenses américaines au sein de l'Onu ne tient pas.

«La seule question budgétaire ne suffit pas! Il y a une autre raison pour laquelle les États-Unis ne veulent pas que le G5 Sahel soit sous chapitre 7.»

Résultat, les dons effectués s'effectuent en partie de manière bilatérale. Comme le souligne Leslie Varenne, on retrouve, parmi les donateurs les plus généreux au G5 Sahel, l'Arabie saoudite avec 100 millions d'euros (autant que l'UE), les États-Unis (48 millions) ou encore les Émirats arabes unis (30 millions). Des «bailleurs» sur lesquels revient la géopolitologue.

«Cela veut dire que le G5 Sahel serait une force financée par une coalition arabo-occidentale telle que celle qu'on a vu en Syrie, en Irak ou au Yémen avec les conséquences que l'on connaît…»

Comme le relate RFI dans sa «Revue de presse Afrique», la presse ouest-africaine regretterait que «Macron soit plus préoccupé par la situation sécuritaire au Sahel que les pays concernés».

Et de fait, le Président de la république n'a jamais caché son affection pour l'Afrique, et semble prendre particulièrement à cœur la lutte antiterroriste dans cette région. On se souvient que son premier déplacement en tant que chef d'État avait été pour les troupes françaises engagées dans l'opération Barkhane au Mali. Au vu de la tension qui règne encore dans la région et des enjeux tant sécuritaires que migratoires, cet engagement présidentiel pourrait s'avérer plus que jamais utile.

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