Emmanuel Macron est au Vatican ce mardi 26 juin. Après un petit-déjeuner avec la communauté SantEgidio, très engagée auprès des migrants et avant de recevoir le titre de chanoine d'honneur de la Basilique Saint-Jean de Latran, le chef de l'État a rencontré le Pape François. Environnement, chrétiens d'Orient, bioéthique, les sujets évoqués furent probablement nombreux entre les deux chefs d'État. Mais l'un a dû prendre le pas sur les autres: la crise migratoire. En effet, l'arrivée au pouvoir de Matteo Salvini en Italie et l'affaire de l'Aquarius ont imposé la crise migratoire au centre des attentions politiques de ces derniers jours. Si bien que des «sommets européens» se sont tenus ces 23 et 24 juin derniers. Si Emmanuel Macron souffle le chaud et le froid sur cet enjeu, adoptant des décisions politiquement molles, le Pape François, lui, ne cesse inlassablement de marteler son discours «d'ouverture», comme la semaine passée lors d'un retour en avion de Suisse: «accueillir, accompagner, promouvoir et intégrer» les migrants.
«Le Pape a sans cesse fait appel à la nécessité d'accueillir ceux qui quittent leurs pays, quelle que soit la raison pour laquelle ils quittent leurs pays. Il demande de faire preuve de générosité par rapport à eux, en respectant la prudence et la nécessité de leur intégration dans les sociétés où ils sont.»
«En même temps, il faut être clair. Il y a des divisions, des oppositions entre ces deux positions. Le Pape a un appel beaucoup plus large que celui de Monsieur Macron. Je pense que Monsieur Macron a une vision qui, d'après nous, pourrait être beaucoup plus large, notamment en ce qui concerne la politique de relocalisation qui avait été décidée il y a quelque temps pour les migrants arrivant sur notre sol, où nous avions dit que nous en accueillerions 20 à 30.000 et nous en avons accueilli entre 5 et 8.000.»
Mgr Olivier Ribadeau Dumas ajoute:
«Je pense que la France peut faire plus à ce sujet-là. Et l'expérience montre que tous les Français qui ont accueilli, qui ont rencontré des migrants, sont heureux des rencontres qu'ils ont pu faire.»
Faire plus? Voilà peut-être le principal discours qu'a tenu le Pape François à Emmanuel Macron, alors que ce dernier a largement relancé l'idée que les migrants devaient être renvoyés dans les pays d'entrée de l'UE lors de sa rencontre avec Angela Merkel le 19 juin dernier. Après 57 minutes d'entretien, le Pape François a, comme un symbole, offert un médaillon de Saint-Martin de Tours, qui avait partagé son manteau afin d'en donner la moitié à un pauvre:
Après 57 minutes d'entretien, place aux cadeaux. Le Pape a offert à Emmanuel Macron une médaille de bronze représentant Saint Martin de Tours. Outre chanoine du #Latran, le président français devient aussi chanoine honoraire de l’église Saint-Martin de #Tours. pic.twitter.com/sGeNhKTXEE
— Vatican News (@vaticannews_fr) 26 июня 2018 г.
«Le Pape François a le souci de toutes les périphéries et les migrations sont à l'évidence une périphérie.»
Assez largement, les catholiques considèrent que si Saint Jean-Paul II était le Pape de l'Espoir, Benoit XVI celui de la Foi, François promeut la Charité. Mais son enseignement et ses recommandations aux catholiques, comme à tous les hommes, sont-ils en adéquation avec la tradition de l'Église?
«Le discours du Pape François est un discours que d'autres pontifes avant lui ont pu tenir. Il est tiré des Évangiles dans le sens où les Évangiles nous disent bien: "j'étais un étranger et vous m'avez accueilli". Il est tiré de sa profonde humanité.»
Si la réponse de Mgr Olivier Ribadeau Dumas laisse peu de place au doute quant à la provenance du discours, qu'en est-il dans les faits, concrètement, alors qu'un grand nombre de chrétiens, face à la crise migratoire, se montrent de moins en moins favorables à l'accueil des migrants en Europe:
«La réaction des catholiques ne se différencie pas beaucoup de la réaction des Français. C'est-à-dire que lorsqu'on tente de nous faire croire qu'il y a une invasion de populations dans notre pays, lorsqu'on manie la peur, il est normal que les catholiques comme d'autres aient peur.»
Après les bons mots de l'Évangile, le politiquement correct? Le Porte-parole des Évêques de France fustige donc les discours qui dénoncent «une invasion» et ajoute:
«Et je pense que c'est la peur qui aujourd'hui gouverne l'attitude de bien des Français et donc de bien des catholiques. Et cette peur cède lorsqu'ils ont l'occasion de rencontrer des migrants, de leur permettre de vivre une véritable rencontre de personne à personne et du coup de cheminer ensemble.»
Des agressions sexuelles de Cologne de 2016? Qu'en est-il des risques d'attentats alors que la France est en guerre au Moyen-Orient et en Afrique contre les terroristes?
Si les deux hommes ont sûrement eu quelques divergences sur la question migratoire, ils se sont probablement accordé sur un point: cette crise ne pourra se résoudre par des solutions nationales, mais plutôt européennes:
«Cette question des migrations, aucun pays ne peut la résoudre seul, aucun pays ne peut la résoudre par les fermetures des frontières. Mais c'est si l'Europe entière accepte de prendre le problème à bras-le-corps en jouant une véritable solidarité, en reconnaissant tous les efforts qu'un certain nombre de pays ont faits, que le problème pourrait être affronté, sinon on court à un échec complet.»
Le Souverain Pontife a toujours considéré que la solution ne pouvait pas venir du «populisme», à l'instar d'Emmanuel Macron qui est allé jusqu'à le qualifier de «lèpre». Pourtant, précisons que le ministre de l'Intérieur, Matteo Salvini, était en Libye ce lundi 25 juin afin d'apporter des solutions politiques concrètes:
Hotspots dell'accoglienza in Italia?Sarebbe problema per noi e per la Libia stessa perché i flussi della morte non verrebbero interrotti.
— Matteo Salvini (@matteosalvinimi) 25 июня 2018 г.
Noi abbiamo proposto centri di accoglienza posti ai confini a Sud della Libia per evitare che anche Tripoli diventi un imbuto, come Italia. pic.twitter.com/3kfFfMIgTJ
Le pape François et Emmanuel Macron ont donc des points d'accord et des différences sur le sujet migratoire. Mais qu'en est-il du climat, du sort des chrétiens d'orient, de la bioéthique, etc.? Si sur les deux premiers thèmes les deux hommes ont dû facilement s'accorder, en revanche, sur les questions de bioéthique, le consensus semble plus complexe. Et c'est un euphémisme tant leurs pensées divergent. Mgr Olivier Ribadeau Dumas conclut:
«Il est évident qu'aujourd'hui le Pape François est une des rares, voire la seule autorité mondiale qui existe, autorité mondiale morale. Et que ce n'est pas un hasard si tous les chefs d'État de la planète désirent le rencontrer. C'est parce qu'aujourd'hui, il n'a pas d'intérêt à défendre si ce n'est le bien de l'Homme et le bien commun des sociétés. Et je crois que, dans la manière qu'il a de parler du souci du plus pauvre, de l'exclu, de la protection de la planète, d'un système économique qui engendre ce qu'il appelle la culture du déchet, dans tout cela, je pense qu'il a un message extrêmement clair et en même temps qui permet à tous, de savoir ce qui est important: la personne humaine du début de sa conception jusqu'à sa fin naturelle avec tout ce qu'elle peut traverser au milieu.»