Le mot «mirage» est un dérivé du verbe «se mirer» — ce qui est en réalité erroné car les mirages ne sont pas liés à l'effet de miroir, c'est-à-dire à la réflexion, mais à la réfraction. Selon le principe formulé par le mathématicien français Pierre de Ferma encore au XVIIe siècle, un rayon de lumière recherche toujours la voie la plus courte. Dans une lentille de verre, il zigzague pour ressortir par sa partie la plus étroite.
Dans les périodes de canicule, on peut souvent apercevoir par terre ou sur les routes des «flaques» ou des «lacs». Cela s'explique par un réchauffement inégal de l'air: il est très chaud près de la surface, mais devient de plus en plus froid en gagnant de l'altitude. Les physiciens appellent cette transition de température le «gradient». La lumière du soleil se réfracte à la frontière des couches, ce qui rend son itinéraire parabolique. Nos yeux capturent ces informations sur un objet et les transfèrent au cerveau qui, par habitude, estime que le trajet de la lumière est linéaire, et place donc l'objet sous l'horizon. Ce type de mirage, qui se forme au-dessous d'un objet réel, est appelé le «mirage inférieur». Ainsi, l'eau visible sur la route n'est en réalité que la lumière ou un morceau du ciel, réfracté par la lentille atmosphérique.
Le mirage inférieur présente d'habitude une image inversée d'un objet réel, mais on constate parfois des effets plus compliqués tels que l'horizon disparu, quand il semble qu'un bâtiment ou une personne plane au-dessus de la terre ou de la mer sans aucun appui. En réalité, cette personne marche sur un banc invisible à l'observateur.
Les illusions royales
Si le gradient de température est permanent, le mirage se déplace tout simplement par rapport à l'objet réel. Cela reste rare dans l'atmosphère. Comme le réchauffement est d'habitude inégal, le mirage agrandit la source, l'altère.
Il s'agissait du résultat d'un gradient inégal de l'air, de turbulences et de l'astigmatisme de la lentille atmosphérique (cela veut dire que sa surface visible à l'œil n'est pas sphérique, mais ellipsoïde). Le mirage s'étend en hauteur, crée des sommets ou des tourelles. L'image perd toute ressemblance avec l'objet réel qui n'est qu'un désert ou un champ de glace. On appelle ce phénomène Fata Morgana en l'honneur de la sœur du roi Arthur, célèbre pour sa capacité à construire des châteaux volants.
Parfois, on aperçoit dans le brouillard des villes mythiques qui disparaissent ensuite: ce phénomène très rare a été baptisé Fata Bromosa. Un gradient très contourné triple l'image, qui devient plus claire ou plus sombre sur le fond du paysage réel.
Mirages cosmiques
Les mirages du coucher du soleil sont très impressionnants. Si notre étoile se joint avec son image inversée pour former un «vase étrusque», il s'agit d'un simple mirage inférieur. Si la partie inférieure du disque solaire semble être coupée en morceaux, c'est un mirage supérieur formé par l'air plus chaud qui se trouve au-dessus des couches plus froides près de la surface. Des étincelles vertes au-dessus du disque solaire qui se répand sur l'horizon sont également provoquées par un mirage supérieur. Afin de les voir, il faut se positionner au-dessus de la couche chaude, par exemple sur un littoral rocheux.
Les quatre mirages montrent des étapes différentes d'existence de l'objet à cause de la disparité entre les distances franchies par la lumière. Ces effets optiques permettent aux physiciens de calculer de manière plus précise la constante de Hubble, qui donne le taux d''expansion actuel de l'Univers.
Les mirages en laboratoire
Les physiciens sont capables d'expliquer toutes les nuances de mirages et même de les recréer en laboratoire. Ainsi, on fait à l'école une expérience optique très simple: on remplit un réservoir de plusieurs couches de sirop ayant des densités différentes pour ensuite observer des objets via ce prisme. Le réfraction de la lumière les altère ou les déplace considérablement.
Le mirage a aidé les scientifiques à créer un prototype de la cape d'invisibilité en utilisant des nanotubes de carbone. Leur capacité à se réchauffer et à se refroidir immédiatement les transforme en inverseurs excellents. Quand on «allume» la couverture, c'est-à-dire que l'on fait passer l'électricité par ses cellules, elle réchauffe l'air autour d'elle et cache l'objet qu'elle recouvre grâce à la réfraction de la lumière.