L'An-124 Ruslan est un avion de transport gros porteur soviétique, conçu par le Bureau de construction Antonov de Kiev et capable d'effectuer des vols de longue distance. Il bénéficie de la plus importante capacité de chargement au monde et reste toujours très demandé sur les marchés.
Les parties avaient finalement signé l'accord en ce sens en août 2007. Et les clients s'étaient déjà manifestés. Ainsi, la société Volga-Dnepr Airlines envisageait d'acquérir jusqu'à 100 avions modernisés An-124-100M-150.
Le projet a bien progressé, même s'il y a eu quelques complications.
En juin 2008, la Compagnie aéronautique unifiée qui avait obtenu tous les documents nécessaires, et la société Ernst & Young, qui s'occupait de la stratégie commerciale et du marketing du projet, ont mis au point le plan de commercialisation. Ce texte stipulait notamment qu'il fallait recueillir des commandes préliminaires confirmées pour au moins 40 appareils avant de lancer la production. Les opérateurs ont obtenu ces commandes. La construction des avions aurait dû être assurée par l'usine d'Oulianovsk dès l'année 2012 à un rythme d'environ deux avions par an. Le prix d'un An-124 neuf se situait en 2008 entre 150 et 160 millions de dollars.
Dmitri Kiva, directeur du Bureau Antonov à l'époque, a annoncé que son entreprise et U.S. Aerospace participaient conjointement à l'appel d'offres du ministère américain de la Défense concernant la livraison des avions ravitailleurs pour un montant de 50 milliards de dollars. Le Bureau Antonov a ainsi présenté trois modèles différents: l'An-112-KS, l'AN-122-KS et l'An-124-KS. Personne n'avait alors plus besoin du programme conjoint avec les Russes: l'Ukraine pouvait s'en passer sans problème, car elle avait désormais ses «nouveaux partenaires occidentaux».
L'appel d'offres a eu lieu. Et même si l'entreprise ukrainienne en a été exclue dès la première étape, les travaux sur le programme conjoint avec les Russes ont été «suspendus» jusqu'à l'année 2016. Voire ad vitam æternam, comme il s'est avéré plus tard: l'Ukraine a annulé le partenariat en 2014, tandis que le Bureau Antonov s'est tellement dégradé que Dmitri Kiva a préféré partir en Azerbaïdjan. Cet académicien, professeur, docteur ès sciences techniques et même héros de l'Ukraine y mène aujourd'hui une vie paisible et travaille tranquillement au poste de conseiller du directeur de la société aérienne civile Azerbaijan Airlines.
Dans tous les cas, l'An-124 reste un appareil excellent malgré son «sort politique misérable». Ce n'est pas par hasard que les médias ont rapporté à plusieurs reprises la tenue de négociations secrètes entre la Compagnie aéronautique unifiée et le Bureau Antonov sur ces avions.
On ne sait rien des résultats (ou de l'existence-même) de ces consultations fermées. Il semble pourtant que les Russes aient décidé d'abandonner ces efforts et de moderniser eux-mêmes l'An-124 pour le commercialiser plus tard sous un nom de marque différent: l'entreprise russe dispose de tous les fondements techniques et juridiques nécessaires.
En réalité, l'An-124 est déjà un appareil plutôt russe — à 95%, selon les experts. Par ailleurs, il serait juste d'un point de vue «métaphysique» de relancer la production de ces gros porteurs en Russie.
Car l'Ukraine, qui était l'une des républiques soviétiques les plus développées et possédait une industrie forte, un secteur énergétique puissant et le système de transport le plus important de l'URSS, a choisi son avenir.
Ce dernier est aussi différent de la voie de développement russe que la plus grande broderie traditionnelle du monde l'est du cosmodrome Vostotchny.
Autrement dit, l'Ukraine renonce au grand héritage soviétique depuis si longtemps et de manière si méticuleuse que le passage de l'ancienne industrie aérienne soviétique sous le drapeau russe semble parfaitement logique.
Car chaque État forge son propre bonheur.
Le ciel ukrainien est devenu étranger pour les Ruslan, qui firent la fierté de l'industrie aérienne nationale à une époque. Ce n'est pas la faute des «méchants Russes», mais le résultat d'une percée «héroïque» collective refusant la civilisation.