Le lancement de la Saison France-Israël 2018 a lieu officiellement ce mardi 5 juin. Au-delà de l'inauguration d'une exposition présentant l'innovation israélienne au Grand Palais, la France et Israël souhaitent la rencontre de leurs deux modèles respectifs, la «French Tech» et la «Start up nation». Si cette saison 2018 aborde de nombreux thèmes comme l'économie et l'éducation, les sciences, le design ou encore le théâtre et le cinéma, elle ne peut se résumer à de simples considérations économiques et culturelles.
Surfant sur le soutien inconditionnel de son allié américain, les autorités israéliennes s'efforcent cette semaine de faire infléchir la position européenne sur l'Iran. Nonobstant la non-participation d'Israël dans l'accord sur le nucléaire iranien, Benjamin Netanyahu n'a cessé de clamer son aversion au deal passé entre l'Iran et les 5 +1. La nomination de Donald Trump à la Maison-Blanche et sa décision de retirer les États-Unis de cet accord «horrible» le 8 mai dernier ont permis au Premier ministre israélien de remporter une première bataille dans sa guerre —au moins d'influence- contre l'Iran.
«L'Iran ne doit pas être autorisé à être militairement présent en Syrie. L'Iran devrait quitter la Syrie, toute la Syrie. […] Cela va déclarer une nouvelle guerre religieuse et cette fois, cela se passera à l'intérieur de la Syrie. En conséquence il y aura beaucoup, beaucoup plus de réfugiés et vous savez où ils se rendront.»
«Bibi» instrumentalise de manière menaçante la crise des réfugiés de 2015-2016 qui avait considérablement touché l'Allemagne et directement affaibli le crédit politique d'Angela Merkel. En plus de cet avertissement à peine voilé, ajoutons que depuis l'annonce de la réimposition des sanctions, l'Allemagne, 1er partenaire européen de l'Iran, risque de payer un lourd tribut économique, par l'intermédiaire de ses entreprises. Conscient que les derniers évènements jouent en sa faveur, Benjamin Netanyahu s'est même permis une entrevue avec l'ambassadeur américain en Allemagne, qui avait déclaré de manière très diplomatique:
As @realDonaldTrump said, US sanctions will target critical sectors of Iran’s economy. German companies doing business in Iran should wind down operations immediately.
— Richard Grenell (@RichardGrenell) 8 мая 2018 г.
Le Premier ministre israélien débarque donc à Paris sûr de sa force. Si les menaces ne seront peut-être pas de mises face à Emmanuel Macron, son ami qu'il l'appelle «cher Bibi», Benjamin Netanyahu usera d'un autre levier: la position très bancale du «en même temps» macronien.
En dénonçant le programme balistique de Téhéran et sa possible suprématie régionale, le Président Macron, s'il reprend les critiques formulées par Merkel et May fait surtout le jeu des États-Unis et d'Israël. De plus, Emmanuel Macron affaiblit davantage, par son discours ambigu, la position des 4 +1 sur le deal iranien, renforçant parallèlement celle d'Israël. En effet, à l'inverse des déclarations chinoises, russes et donc européennes, la France ne sépare pas clairement l'accord sur le nucléaire iranien des autres sujets de négociation avec Téhéran qu'elle souhaite mettre sur la table.
«Notre position contre Israël est la même que celle que nous avons toujours prise. Israël est une tumeur cancéreuse maligne dans la région de l'Asie de l'Ouest qui doit être enlevée et éradiquée: c'est possible et ça arrivera.»
Bien que cette rhétorique belliqueuse ne soit pas nouvelle, elle risque de jouer diplomatiquement en faveur de Benjamin Netanyahu lors de son court séjour à Paris. «Bibi» apparaît donc bien plus en position de force que notre Jupiter touquettois. Et ce ne sont pas les nombreuses enquêtes de corruption, de fraude ou d'abus de confiance, que subit le Premier ministre israélien dans son pays qui affaibliront ce dernier face à son hôte.
Quant aux violations, de la part du gouvernement israélien, des Droits de l'Homme ou des résolutions onusiennes, concernant notamment l'augmentation des colonies en territoire palestinien, le sujet va sûrement être évité pour ne pas fâcher l'invité.
Cependant, la presse, qui s'était fait majoritairement l'écho du «drame» palestinien sans évoquer l'implication du Hamas dans le massacre la veille de la Nekba, pourrait presser Emmanuel Macron d'ajouter aux discussions bilatérales la situation de Gaza. Mais de là à offrir à Macron un argument de poids face à Netanyahu? La réalité du terrain ne peut que donner un nouvel avantage au Premier ministre israélien: Jérusalem est de facto la capitale d'Israël, enterrant de fait la «solution à deux États» prônée par la communauté internationale.