La rédaction de l'hebdomadaire Le Point n'avait sans doute pas anticipé que la Une de son numéro paru le 24 mai deviendrait aussi polémique. Le portrait du Président turc, Recep Tayyip Erdogan, accompagné de la mention «Le Dictateur» a provoqué la colère d'une partie de la diaspora turque en France.
Dès le lendemain, plusieurs kiosquiers ont fait l'objet de pressions de la part d'immigrés turcs présents en France favorables à Erdogan. Au Pontet, dans la banlieue d'Avignon, mais aussi à Valence, des groupes de militants ont réussi à obtenir le retrait de la Une des espaces publicitaires de kiosques, comme le montrent ces images, largement relayées sur les réseaux sociaux:
Des partisans du président turc Erdogan font retirer d’un kiosque la couverture du journal Le Point titrant « Le Dictateur » à Avignon: et voilà que sa dictature s'impose! pic.twitter.com/pYzEQy1iRK
— Gilbert Collard (@GilbertCollard) 26 мая 2018 г.
Après Avignon: d'autres Turcs font enlever la Une du Point sur Erdogan, ici à Valence https://t.co/teHITBNMGh @lpp_pedro pic.twitter.com/AfIGSY2Uyw
— L'important (@Limportant_fr) 27 мая 2018 г.
Remises par l'exploitant publicitaire, les Unes ont dû être gardées par des forces de police et ont depuis été détournées ou dégradées. Dans un article publié sur son propre site et daté du 27 mai, Le Point a dénoncé ces attaques et a fait état de pressions avant même la parution de l'hebdomadaire.
«Après une semaine de harcèlement, d'insultes, d'intimidations, d'injures antisémites et de menaces à notre attention sur les réseaux sociaux, voici venu le moment où les sympathisants de l'AKP s'attaquent au symbole de la liberté d'expression et de la pluralité de la presse», pouvait-on lire sur le site du Point.
C'est seulement suite à cette dénonciation que la classe politique a réagi. La députée LR des Bouches-du-Rhône, Valérie Boyer, a été l'une des premières à s'exprimer pour dénoncer la «"diplomatie" de la menace et du harcèlement» du chef d'État turc. Le maire de Nice, lui, s'opposait à la «tyrannie communautaire» exprimée et adressait son soutien à la rédaction du Point.
Si le reste du spectre politique, de Marine Le Pen à Emmanuel Macron, se sont exprimés pour défendre «la liberté de la presse», le sénateur des Hauts-de-Seine, Roger Karoutchi, appelait à condamner fermement les auteurs des pressions envers les kiosquiers pour «éviter la contagion».
L’affaire des soutiens d’Erdogan qui en France font enlever la couverture du @LePoint n’est pas anecdotique.Elle peut pousser d’autres communautaristes à agir de même,menaçant la liberté de la presse et la démocratie.Les coupables doivent être poursuivis pour éviter la contagion.
— Roger KAROUTCHI (@RKaroutchi) 28 мая 2018 г.
S'exprimant via Twitter le 28 mai, le Président de la République rappelait que «la liberté de la presse n'a pas de prix: sans elle, c'est la dictature».
Il est parfaitement inacceptable que des affiches de @LePoint soient retirées des kiosques de presse au motif qu’elles déplaisent aux ennemis de la liberté, en France comme à l’étranger. La liberté de la presse n’a pas de prix: sans elle, c’est la dictature.
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) 28 мая 2018 г.
Une belle déclaration de principe, mais qui est intervenue alors que les affiches concernées avaient déjà été enlevées, remises puis détériorées à nouveau…