En Tunisie, les non-jeûneurs bouffent du lion

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En Tunisie, le mois de Ramadan, associé à la sobriété et la méditation, est également devenu, depuis quelques années, le rendez-vous incontournable d’une société civile défendant, avec acharnement, le droit à ne pas jeûner, sans subir de tracasseries policières, administratives ou sociales.

Alors que la lune du mois de Ramadan a commencé à poindre le 17 mai, une mini-campagne de sensibilisation était lancée sur les réseaux sociaux…Ici, il n'est pas du tout question de choquer. On compte sur la compréhension et on insiste sur le respect mutuel.


Moi, mon café je le prends le matin.
Toi, c'est plutôt le soir.
Pour un Ramadan en toute liberté.

A l'occasion du mois de Ramadan, le Collectif civil pour les libertés individuelles lance la campagne «Pour un Ramadan en toute liberté», pour rappeler que les libertés individuelles, en général, et la liberté de conscience, en particulier, sont garanties pour tous les Tunisiens et toutes les Tunisiennes, de même qu'elles sont inscrites dans la Constitution.

Deux jours plus tôt, ce même Collectif adressait même une lettre ouverte aux présidents de la République, du Parlement et du gouvernement. Objet: s'opposer à toute tentative de compromettre les libertés et droits individuels pendant le mois de Ramadan, en invoquant la nouvelle Constitution tunisienne, mais aussi les engagements internationaux du pays.

La réponse ne tarda pas, en guise de fin de non recevoir. Dans une rare sortie médiatique, le ministre de l'Intérieur, Lotfi Braham, justifiait la fermeture de la plupart des cafés pendant le mois saint par la nécessité pour la minorité qui ne jeûne pas, de respecter la majorité, supposée composée de jeûneurs.

Inutile de dire qu'en jetant ce pavé dans la mare, Lotfi Braham «explosait» ainsi son forfait de discrétion…qu'il avait pourtant bien su sauvegarder depuis sa nomination à la tête du ministère en septembre 2017.

Le peuple tunisien, tel que vu par Lotfi Brahem: « Au secours, ministre du Ramadan..! »


« Lotfi Braham veut qu'on jeûne coûte que coûte. Et bien, demain, par pic, je vais griller une clope devant la direction de police de Sousse. Et essaie de m'attraper!», dira ce psychiatre installé dans la ville côtière de Sousse.

Pour Néji Bghouri, président du syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT), le ministre serait même «en pré-campagne électorale..et flirte avec (les Islamistes) d'Ennahda »

C'est que, parallèlement, les prises de position du ministre ont été très appréciées par ceux dont le sentiment religieux peut être heurté par la vue d'un sandwich ou d'un café crème en pleine journée de Ramadan.

« Comment se fait-il que les déclarations du ministre qui sont en parfaite harmonie avec l'intime conviction de la majorité écrasante du peuple soit interprété par certains, comme une tentative de récupération politique? », s'indigne cette internaute «de la majorité».

Dans une réponse à une question parlementaire rendue publique quelques jours auparavant, Brahem expliquait même que

«le jeûne, revêtant une importance cruciale chez la majorité des citoyens tunisiens, l'ouverture ostentatoire des cafés et restaurants peut être perçue comme une provocation et induire à des réactions violentes menaçant l'ordre public. Cela peut aussi donner un instrument aux groupes terroristes pour mener des campagnes d'incitation contre l'Etat et même des attentats»

En Tunisie, la plupart des cafés et restaurants situés en dehors des zones touristiques sont ainsi astreints à fermer pendant toute la durée du mois saint. Les rares bénéficiaires de dérogations, se doivent toutefois de rester discrets, pour ne pas « heurter » le sentiment religieux des jeûneurs. Un rideau s'abattant sur les vitrines, point de terrasses. Les internautes communiquent par nom de code #Fater, (je ne jeûne pas), pour s'indiquer les adresses les plus tranquilles parmi les quelques cafés ouverts pendant le mois de Ramadan.

​Base légale à l'origine de tout ce casse-tête chinois? Une circulaire datant de…1981. Or, comme le résume l'ancienne membre de l'Assemblée constituante, Nadia Châabane, l'application de ce texte pose problème à plus d'un titre.

Plus grave que l'interdiction s'abattant sur les établissements, les associations critiquent les arrestations récurrentes de non-jeûneurs. Les griefs retenus, pour des peines allant jusqu'à quelques mois, demeurent flous, se fondant principalement sur l'atteinte à la pudeur et le trouble à l'ordre public.

C'est ainsi que l'année dernière, 5 personnes ont été condamnées à un mois de prison pour avoir mangé et fumé en public. Des peines «absurdes», fustigées, alors, par Amnesty International. Des peines prononcées régulièrement, tous les Ramadan. La «résistance», elle, essaie de s'inscrire dans la même fréquence.

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