Élu sur un programme protectionniste, Donald Trump n'en finit plus de faire parler de lui pour les droits de douane qu'il veut imposer aux importations chinoises. Jugeant les États-Unis défavorisés dans leurs échanges, il a récemment annoncé qu'allait être lourdement taxé un volume annuel de 50 milliards de dollars de produits venant de Chine, ce à quoi Pékin a répondu par des menaces de représailles. Le tweet facile et le ton agressif, le locataire de la Maison-Blanche passe souvent pour quelqu'un de fantasque et d'imprévisible, mais son opposition au libre-échange mondialisé est en fait une constante de longue date. Malgré les apparences, Donald Trump serait-il en train de redéfinir les manières traditionnelles d'entretenir des relations commerciales, et d'amorcer une forme de démondialisation?
Jacques Sapir reçoit Christian Harbulot, stratégiste, directeur de l'École de guerre économique, et Rémi Bourgeot, économiste, chercheur associé à l'IRIS et spécialiste notamment des déséquilibres commerciaux.
Rémi Bourgeot rappelle qu'aux États-Unis, Donald Trump n'est pas isolé sur sa position: «Un certain nombre de chefs d'entreprises sont à l'initiative des mesures prises par l'administration américaine, notamment dans le cadre de l'anti-dumping. La position de Donald Trump est très controversée aux États-Unis mais il y a des patrons qui sont favorables à un rééquilibrage, dont par exemple Elon Musk, le fondateur de Tesla et Space X. Au niveau politique, on voit émerger des figures comme la démocrate Elizabeth Warren, sénatrice en vue pour la prochaine présidentielle, qui dit que la politique douanière doit faire partie intégrante de la politique économique américaine.»
Christian Harbulot estime qu' «il y a une guerre économique sous-jacente dans le devenir des puissances, l'une comme l'autre. On sait bien, par exemple, que la Chine ne peut pas se priver de conquérir le monde immatériel que les États-Unis ont d'une certaine manière créé. Les négociations vont donc être compliquées. On voit déjà que les GAFA ont un mal fou à pénétrer l'univers technologique chinois.»
Pour Jacques Sapir, «on voit bien que les États-Unis et la Chine sont à la fois des concurrents en conflit sur toute une série de terrains, mais aussi des partenaires sur d'autres terrains. Et c'est une vraie différence par rapport aux conflits du milieu du XXe siècle, où l'affrontement était très clair: on était amis ou ennemis sur l'ensemble des terrains. On est en quelque sorte revenus à une situation beaucoup plus complexe, comme dans les guerres de la Renaissance, où l'on continuait à faire du commerce alors même qu'on s'affrontait sur le champ de bataille.»