Après la révolution, la Tunisie a «beaucoup régressé sur le plan économique et social»

© AFP 2024 LIONEL BONAVENTUREFlags of Tunisia flutter at the city hall in Tunis on October 24, 2011
Flags of Tunisia flutter at the city hall in Tunis on October 24, 2011 - Sputnik Afrique
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Après 62 ans d’indépendance et sept ans après la «révolution du jasmin», quelles avancées a réalisé la Tunisie en matière d’éducation, de santé, de droits des femmes et de libertés politiques, et quelle est sa situation économique? Abdelaziz Messaoudi, responsable politique tunisien, a répondu à ces questions dans un entretien avec Sputnik.

Le 20 mars, la Tunisie a fêté le 62e anniversaire de sa libération nationale du colonialisme français. Beaucoup de choses ont été réalisées dans le pays en matière de développement économique et social, ainsi que dans l'éducation, la santé et les libertés individuelles. Cependant, des problèmes politiques persistent, voire des régressions sont survenues après la révolution de 2011 qui a mis fin au pouvoir du Président Zine el-Abidine Ben Ali, et la complication de la situation au Moyen-Orient et au Maghreb. Abdelaziz Messaoudi, membre dirigeant du parti politique tunisien Voie démocratique et sociale, est revenu dans un entretien avec Sputnik, à l'occasion du forum économique de Yalta, sur le bilan des acquis de ces années d'indépendance et les défis qui restent à relever pour son pays.

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«La Tunisie a fait un grand chemin après son indépendance», affirme le responsable politique qui reconnaît qu'en matière d'éducation, de santé, de modernisation de la société tunisienne et des droits des femmes, il y'a eu des avancées majeures initiées par le premier Président du pays Habib Bourguiba. Cependant, c'est sur la question des libertés politiques et de la démocratie que la Tunisie n'a pas vraiment avancé. Certes, la révolution de 2011 a changé un peu la situation «mais sur le plan économique et social la Tunisie a beaucoup régressé, elle a perdu beaucoup de ses capacités productives. Même nos ressources naturelles qui constituaient une bonne partie du budget de l'État ne sont malheureusement pas mises en valeurs après la révolution», a ajouté l'homme politique. «On a perdu beaucoup de temps et, actuellement, la Tunisie est très endettée, la production a chuté et le rythme du développement économique a régressé. Alors que sous la dictature on faisait une moyenne de 5% de croissance économique par an, aujourd'hui on n'atteint difficilement les 2 à 2,5%», a-t-il souligné.

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Il a en outre expliqué les raisons qui ont aggravé la mauvaise situation économique de la Tunisie par l'endettement du pays auprès de l'UE, de l'Allemagne, de la France, des États-Unis, du FMI et de la Banque mondiale, qui a doublé depuis 2011, «n'a pas servi, comme on pouvait s'y attendre, à développer l'économie mais il a servi plutôt à des augmentations de salaires injustifiées, à résoudre des problèmes sociaux» en plus «des compensations qui ont été décidées pour les anciens prisonniers politiques, essentiellement les prisonniers islamistes, qui ont été très largement compensés au détriment du budget de l'État». À ceci s'ajoute la situation sécuritaire en Libye, ainsi que la crise économique et politique en Algérie, qui apportent leur lot de problèmes à la situation déjà précaire de la Tunisie à cause de la baisse des échanges commerciaux avec ces deux États voisins. Le retour au pays de beaucoup de cadres et de travailleurs tunisiens qui exerçaient en Libye, au Yémen, en Irak et en Syrie a non seulement fait augmenté le chômage en Tunisie mais a aussi entraîné une chute drastique des rentrées en devise du pays, qui a vu disparaître du jour au lendemain, toutes les sommes d'argent en devises fortes que ces émigrés envoyaient à leurs familles.

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Pour Abdelaziz Messaoudi, le chemin de la reprise économique de la Tunisie passe forcément par la résolution de la crise politique qui, selon lui, bloque le pays. Le tiraillement entre le parti au pouvoir, Nidaa Tounes, le parti islamiste Ennahdha, les partis démocrates et les syndicats empêchent le fonctionnement normal des institutions du pays. Pour lui, bien que la démocratie existe en Tunisie dans ses aspects formels, elle demeure néanmoins fragile «et on est jamais à l'abri d'une régression».

Concernant les relations franco-tunisiennes, l'interlocuteur de l'agence a affirmé «qu'avec la France nous avons des rapports privilégiés. Ce sont des rapports dictés par l'Histoire commune des deux pays, par les relations économiques effectives. Car la France est le premier importateur des produits tunisiens, et elle est aussi la source principale de nos importations avec l'Allemagne et d'autres pays de la Communauté européenne». Selon lui, la France a contribué beaucoup à aider la Tunisie sur le plan économique en lui octroyant des prêts financiers. Cependant, «on comptait sur une aide beaucoup plus importante de la France et de nos partenaires européens», en procédant à l'annulation d'une partie de la dette ou de son réinvestissement dans l'économie du pays, a ajouté le responsable politique.

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En conclusion, Abdelaziz Messaoudi a évoqué les difficultés de l'édification d'une économie maghrébine intégrée, et ce à cause de la situation politique et sécuritaire en Libye et des tensions entre l'Algérie et le Maroc concernant le conflit du Sahara occidental. Chose qui, selon lui, pénalise fortement les économies de tous les pays maghrébins. «Même avant la révolution tunisienne de 2011, les économistes ont estimé les pertes des pays maghrébins à cause de la non existence d'une économie intégrée entre tous les pays de la région à deux points de croissance économique à chacun des États», a-t-il conclu.

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