Le gouvernement a-t-il succombé aux charmes du populisme pour sa loi asile-immigration, actuellement vivement débattue à l'Assemblée nationale? En effet, près de 1.000 amendements, déposés par l'opposition de droite, de gauche et de quelques députés LREM, sont à l'étude. Or, s'ils sont nombreux, ces amendements devraient de toute vraisemblance être rejetés par la majorité gouvernementale, décidée à se monter inflexible quant à son projet de loi. À l'instar de l'amendement qui proposait de refuser ou de mettre fin au statut de réfugié lorsque la personne qui en bénéficie constitue une menace grave pour la sûreté de l'État ou d'un État membre de l'Union européenne qui a été rejeté jeudi 19 avril en fin d'après-midi.
En ouverture des débats en commission, Gérard Collomb, ministre de l'Intérieur, avait fait montre d'une grande sévérité dans ses propos, en adéquation avec les grandes tendances des sondages:
«Certaines régions sont en train de se déconstruire parce qu'elles sont submergées par les flux de demandeurs d'asile.»
Plusieurs enquêtes ont en effet souligné que les Français souhaitaient plus de contrôle sur la question de l'immigration. On pourrait citer les résultats de l'enquête IFOP pour L'Express, publiée en décembre 2017, qui avançait que 64% des Français trouvent que le rythme de l'immigration est «trop élevé» contre 32% qui le trouvent «équilibré». Le contenu de cette loi asile et immigration défendue bec et ongles par l'exécutif est-il aussi rigide que les déclarations d'intention peuvent le laisser croire? Retour sur les principaux éléments de la loi.
Des mesures qualifiées d'«inhumaines» par l'opposition de gauche…
Les propositions dénoncées par l'opposition de gauche, y compris par une frange des députés LREM, se trouvent majoritairement dans les titres I et II de la loi asile-immigration. À savoir, la réduction des délais de procédure d'asile et la lutte contre l'immigration irrégulière. En effet, le gouvernement s'est donné comme objectif de réduire à six mois le délai d'instruction de la demande d'asile (actuellement 11 mois), en incluant les recours. Pour ce faire, la loi prévoit de réduire à 90 jours (contre 120) le délai pour déposer une demande d'asile dès l'entrée en France. Par ailleurs, la loi prévoit notamment une réduction du délai de recours à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) en le portant d'un mois à 15 jours. De plus, pour faciliter cette réduction, des audiences par vidéo seront développées. à condition de respecter une exigence de «qualité» de la liaison ainsi que l'assistance d'un traducteur, si besoin.
… mais de nombreuses mesures viennent édulcorer le texte de loi
Malgré la philosophie du texte qui pourrait sembler sévère, depuis la première mouture de la loi, de nombreux éléments sont venus l'édulcorer. En cause, les différents articles de loi votés et certains amendements rejetés. On pense notamment à l'article 3 concernant la réunification familiale pour les réfugiés mineurs qui a été adopté, ce jeudi 19 avril, à 93 voix contre 22. Cet article permet de faire venir les parents des réfugiés mineurs, mais également de l'étendre à leurs frères et sœurs.
D'autres mesures, présentes dans la loi, sont plutôt positives pour les réfugiés comme l'instauration d'un titre de séjour de quatre ans, au lieu d'un an, pour les réfugiés «subsidiaires» (une extension du statut de réfugié) et apatrides. La prise en compte de l'«état de vulnérabilité» avant un potentiel placement en centre de rétention administrative. En outre, la protection des victimes de mutilations sexuelles sera, quant à elle, appliquée aux jeunes garçons et non plus uniquement aux filles.
En définitive, si cette loi revêt des allures répressives pour être dans l'air du temps, elle pourrait être en partie vidée de son contenu le plus répressif par les débats actuels menés dans l'hémicycle puis au Sénat. Ce «en même temps» concernant l'immigration pourra-t-il répondre à la «crise migratoire» et aux attentes d'une partie significative des Français?