En livrant, en 1915-1916, des armes de fabrication allemande à l'Empire ottoman qui persécutait les Arméniens, le Deuxième Reich «cherchait bien plus qu'à conclure une bonne affaire commerciale», a analysé pour Sputnik Georges Estievenart, responsable des questions européennes au sein de l'Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE).
«Des officiers allemands qui servaient l'état-major turc ottoman ont activement aidé à effectuer des meurtres d'individus. La plupart des agresseurs étaient armés de fusils ou de carabines Mauser et les officiers d'armes de poing Mauser», informe le rapport.
Pour Georges Estievenart, spécialiste de l'Allemagne, ce rapport ne révèle pas de scoop dans la mesure où la résolution votée par le Bundestag, le 31 mai 2016, reconnaissait bien la coresponsabilité historique de l'Allemagne dans le génocide. Son intérêt réside, en revanche, dans le rassemblement de plusieurs témoignages d'époque, notamment de militaires prussiens sur place pendant la préparation et l'exécution de ces crimes de guerre.
«Cela vient conforter l'idée qu'il y avait entre l'Allemagne et les Ottomans une alliance très forte, même si on le savait déjà, étant donné que, durant la Grande Guerre, ils opéraient ensemble au sein de l'alliance des Empires centraux, opposés à la Triple Entente. Le document laisse également deviner la forte pression, exercée côté allemand, pour que cette alliance politique soit profitable à l'économie allemande par l'exportation d'armes. C'est d'ailleurs un phénomène habituel, qu'on peut retrouver jusqu'à aujourd'hui avec d'autres acteurs étatiques», a souligné Estivenart, par ailleurs enseignant chercheur au Centre d'Études diplomatiques et stratégiques (CEDS) à Paris.
«Il y avait côté allemand une véritable volonté de transmettre aux Ottomans leur vision du traitement militaire quand on est engagé dans un conflit. C'est-à-dire que cela ne se limitait pas à remporter des batailles militaires, mais aller au-delà parfois, à savoir l'extermination totale "de l'ennemi". Des théories militaires totalitaires qui existaient déjà en Allemagne à l'époque, et qui ont trouvé leur application avec Hitler par la suite» a déduit Estievenart.
Sur fond de montée du nationalise turc, le génocide arménien a été perpétré entre avril 1915 et juillet 1916, contre cette forte minorité de l'Empire ottoman. Deux tiers des Arméniens sont morts du fait de déportations, de famines et de massacres. D'après Yves Ternon, historien spécialiste des crimes contre l'humanité, la raison essentielle du génocide tient au fait que «les Arméniens représentaient une minorité importante qui gênait l'avancée prévue des Turcs vers le Caucase et l'Asie centrale. Il fallait les extirper de ce lieu». Héritière de l'Empire ottoman, la Turquie n'a jamais reconnu ce génocide. Une position confortée par la position de certains historiens négationnistes.