Que fait Moscou pour éviter la guerre avec les USA

© AP Photo / Andrew HarnikSarah Sanders
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La porte-parole de la Maison blanche Sarah Sanders a déclaré que Donald Trump analysait les rapports des services de renseignement pour prendre la décision de réagir ou non à l'attaque chimique supposée dans la ville syrienne de Douma.

La situation autour de la Syrie est déjà comparée à la crise des missiles de Cuba qui avait poussé l'URSS et les USA au seuil de la guerre.

«Le président Trump vient de s'entretenir avec les membres du Conseil de sécurité nationale sur la situation en Syrie. Aucune décision définitive n'a été prise. Nous continuons d'analyser les données des services de renseignement et nous coopérons avec nos partenaires», a déclaré Sarah Sanders cité par Gazeta.ru.

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Pendant que les USA et leurs alliés se préparent à prendre une décision sur une éventuelle frappe contre la Syrie, les médias comparent déjà la crise actuelle dans les relations entre Moscou et Washington à la crise des missiles de Cuba, en octobre 1962. A l'époque, après le déploiement par les USA de missiles sur le territoire turc, l'URSS avait secrètement installé à Cuba des missiles qui pouvaient facilement atteindre le territoire américain.

Cette crise avait poussé les deux États pratiquement au bord de la guerre nucléaire parce que le président américain John Kennedy avait décrété le blocus maritime de Cuba pour empêcher le passage des navires soviétiques. Les dirigeants soviétiques, Nikita Khrouchtchev en tête, étaient prêts à répondre fermement aux USA.

Comme l'a écrit le chercheur américain Paul Byrne dans son livre Crise des missiles de Cuba: au seuil de la guerre, si les missiles soviétiques avaient été mis en état d'alerte «ils auraient pu détruire les villes américaines quelques minutes après le lancement. Même Washington était menacé. La Guerre froide qui semblait si lointaine était dans l'arrière-cour de l'Amérique».

La crise de Cuba a pu être réglée en 13 jours mais, comme affirment les historiens et les chercheurs, la guerre entre l'URSS et les USA était à l'époque parfaitement réelle.

L'ex-président de l'URSS Mikhaïl Gorbatchev a noté dans une récente interview que même s'il était convaincu que la situation ne se dégraderait pas jusqu'au niveau de la crise de Cuba, il était tout de même déçu par la «manière dont les dirigeants actuels menaient les affaires». «Il s'agit manifestement d'une incapacité de mener le dialogue, d'utiliser les mécanismes diplomatiques. La politique mondiale s'est transformée en un échange d'accusations réciproques, de sanctions et même de frappes militaires», a-t-il déclaré.

Loin d'être la première crise

Bien que la situation actuelle en Syrie ressemble peu à celle de Cuba à l'époque, la frappe potentielle des USA pourrait viser non seulement les sites syriens, mais également les militaires russes car des bases militaires russes se trouvent sur le sol syrien.

Des pays tiers ont souvent constitué une cause de crise dans les relations russo-américaines. La première, dans l'histoire récente de la Russie, a été la guerre en Yougoslavie. La décision de l'administration de Bill Clinton de lancer l'opération dans ce pays en 1999 a conduit au fameux «demi-tour au-dessus de l'Atlantique» qui a déterminé le vecteur des relations russo-américaines pour des années.

Le premier ministre russe Evgueni Primakov avait en effet décidé d'ordonner à son avion à destination des USA de faire demi-tour quand le vice-président américain Al Gore lui avait téléphoné à bord pour annoncer le début des opérations militaires contre la Yougoslavie. «Si dans ces conditions je m'étais assis et j'avais commencé ma visite officielle, j'aurais été un véritable traître», a raconté Evgueni Primakov par la suite.

La délégation qu'il menait comprenait des politiciens et des hommes d'affaires connus, dont le directeur de l'époque de la compagnie Ioukos Mikhaïl Khodorkovski. Selon les participants à ce vol, à l'époque tout le monde avait approuvé la décision du chef du gouvernement russe même si elle a coûté au pays de sérieuses pertes financières. Les hommes d'affaires russes avaient en effet l'intention de conclure plusieurs contrats avec leurs collègues américains.

Il existe également une certaine similitude entre les crises en Yougoslavie et en Syrie compte tenu de la situation politique intérieure aux USA.

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Tout comme le président Trump aujourd'hui, Bill Clinton se trouvait à l'époque dans une situation difficile. Si dans le cas de Trump il est question de l'enquête du procureur spécial Robert Mueller qui pourrait lui coûter son fauteuil présidentiel, le président Clinton était à l'époque impliqué dans le scandale avec la stagiaire de la Maison blanche Monica Lewinsky.

L'observateur du média Market Watch affilié au Dow Jones a même rappelé le film de 1997 Des hommes d'influence (Wag the Dog), dans lequel le président américain invente une guerre avec l'Albanie pour détourner l'attention des électeurs des problèmes intérieurs.

«Environ six mois plus tard la Yougoslavie a été bombardée, alors que le scandale sexuel avec Monica Lewinsky et ses conséquences ont conduit au début de la procédure de destitution contre le président Bill Clinton. Toutefois, grâce à la guerre, les problèmes politiques de Clinton ont disparu des gros titres des journaux», écrit Ivan Marttchev, qui souligne que Des hommes d'influence pourrait se reproduire en Syrie.

«Vous devez partir»

Une autre grande crise provoquée dans les relations russo-américaines par des problèmes dans un autre pays s'est produite sous la présidence de Vladimir Poutine après la décision des États-Unis de lancer l'opération contre l'Irak en 2003 sans l'aval du Conseil de sécurité des Nations unies.

Par la suite, il s'est avéré que la décision concernant l'invasion avait été prise en s'appuyant sur de fausses informations concernant la présence en Irak d'armes de destruction massive. Il faut noter qu'à cette époque la Russie n'était pas seule: elle était notamment soutenue par la France.

Moscou cherchait à empêcher le conflit entre les USA et l'Irak, et pour cette raison Poutine avait envoyé en Irak l'ex-premier ministre Evgueni Primakov. Ce dernier, qui connaissait personnellement Saddam Hussein, lui avait transmis la proposition de Poutine de partir:

«Je lui ai dit (à Hussein): Si vous aimez votre pays et votre peuple, si vous voulez protéger votre population contre les victimes inévitables, vous devez quitter le poste de président de l'Irak», racontait Evgueni Primakov.

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Aujourd'hui, l'une des questions centrales dans le règlement de la crise syrienne est celle de l'avenir politique de Bachar el-Assad. Washington pense que le Président syrien actuel fait partie du problème, tandis que Moscou considère qu'il doit faire partie de la solution à la crise. Par ailleurs, Vladimir Poutine cherche une solution politique au problème du Proche-Orient, comme en témoigne sa récente conversation avec le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.

Israël est un acteur-clé dans la région, qui entretient de bonnes relations aussi bien avec la Russie qu'avec les USA. Il se pourrait donc que Tel-Aviv joue le rôle d'intermédiaire dans les relations russo-américaines dans le contexte du conflit avec la Syrie. Israël dispose en effet d'informations relativement sérieuses sur la situation en Syrie et au sein de son gouvernement.

De plus, en tant que facteur positif susceptible de contribuer au règlement de la crise syrienne, les experts occidentaux soulignent la présence d'un canal de liaison entre le chef d'état-major des forces armées russes Valeri Guerassimov et son homologue américain Joseph Dunford. Soit dit en passant, les USA et l'URSS ont songé au canal de liaison permanent entre les dirigeants et les militaires des deux États précisément après la crise des missiles de Cuba.

Mais en dépit de la communication entre les pays, la situation politique est aussi compliquée par le fait que c'est Donald Trump qui occupe le poste de président américain au moment de la crise syrienne. En effet, ce dernier ne possède pas de grandes connaissances dans le domaine de la politique mondiale et compte essentiellement sur l'avis de ses conseillers dont la plupart affichent des dispositions radicales.

«Trump avait pris de manière spontanée la décision de frapper la Syrie en réponse à la prétendue attaque chimique en avril 2017 sous l'influence de ses conseillers — sa fille Ivanka Trump et son mari Jared Kushner", a écrit le journaliste Michael Wolff dans son récent livre Le Feu et la Fureur.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.

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