Face à Elon Musk et SpaceX, Roscosmos annonce la couleur

© Sputnik . Ramil Sitdikov / Accéder à la base multimédiaМеждународный авиационно-космический салон МАКС-2017. День второй
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L'agence spatiale russe Roscosmos a l'intention de reprendre ses positions sur le marché des lancements spatiaux. A cet effet, plusieurs solutions techniques sont élaborées parallèlement pour permettre aux lanceurs russes d'opposer une réelle concurrence à la fusée réutilisable Falcon 9 et d'attirer de nouveaux clients.

Il y a encore quelques années, pratiquement un lancement spatial sur deux dans le monde était russe. Depuis, les positions de la Russie se sont sérieusement dégradées. Suite à une série d'accidents, Roscosmos a perdu pratiquement toutes ses commandes commerciales, alors que le subventionnement public américain de la compagnie privée SpaceX a permis à cette dernière d'occuper la place vacante et de s'emparer de 60% du marché des lancements. En 2017, elle a failli doubler la Russie et actuellement elle effectue un lancement toutes les deux semaines.

Coup double

Le centre spatial Khrounitchev, qui dominait le marché avec ses fusées Proton avant l'arrivée de SpaceX, prépare deux réponses à la fois pour son concurrent: premièrement, il a décidé de retirer le troisième étage des lanceurs lourds Proton pour réduire le prix de la fusée; et deuxièmement, il élabore une version réutilisable de la fusée légère Angara.

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En 2016, le centre Khrounitchev a décidé de créer deux versions de la fusée Proton-M: Proton Sredni (moyen) et Proton Legki (léger). Dans la version moyenne, le troisième étage sera retiré. Cette décision est réalisable rapidement et ne nécessite pas de transformation profonde, car c'est à cela que ressemblait le Proton initial dans les années 1960. L'objectif est de réduire le prix du lancement et d'adapter le lanceur aux satellites de communication devenus plus légers ces dernières années. Le premier lancement de la nouvelle fusée est prévu pour 2019. Dans la version légère il est prévu de retirer deux blocs du premier étage, ce qui devrait encore réduire le prix du lancement. A l'heure actuelle, les lancements de Proton lourds à trois étages coûtent un peu plus que le prix demandé par Elon Musk pour sa fusée Falcon 9: environ 65 millions de dollars contre 61,5 millions de dollars pour la société américaine.

Sachant que les nouvelles modifications du Proton ne concurrenceront pas la version de base du Proton-M. Toutes desserviront différents segments du marché des lancements d'appareils de communication des opérateurs internationaux de satellites, explique le centre Khrounitchev.

«La décision de créer des modifications à deux étages des fusées-porteuses Proton a été prise pour répondre aux besoins du marché. La fusée-porteuse Proton pourra devenir une digne concurrente de la fusée-porteuse Falcon 9 de la compagnie SpaceX et rétablir les positions de la Russie sur le marché des services de lancement», assure l'entreprise.

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En plus des deux versions allégées, l'entreprise compte perfectionner le lanceur lourd Proton-M qui sera doté d'un carénage supérieur agrandi pour protéger les satellites pendant le vol de la fusée dans les couches denses de l'atmosphère. Cela permettra à une fusée de lancer en orbite deux vaisseaux spatiaux à la fois ou un groupe de petits satellites. Cette modification sera baptisée «Proton-M plus».

Tous les travaux de développement des différentes versions des Proton seront réalisés par l'entreprise à ses frais, en comptant sur un retour sur investissement conséquent.

Angara se sent pousser des ailes

De plus, en 2017, en collaboration avec le bureau d'étude Miassichtchev et Roscosmos, le centre Khrounitchev a entamé la conception de la version réutilisable de la fusée légère Angara-1.2. Après la mise en orbite d'un satellite, le premier étage d'un tel lanceur doit revenir sur Terre pour être réutilisé. Plusieurs solutions pour mettre en œuvre cette idée sont à l'étude: une descente en parachute, un atterrissage avec ses propres moteurs comme la fusée américaine Falcon, ou un retour à l'aide d'ailes, comme un avion. La dernière option est considérée comme prioritaire. Au moment du décollage, les ailes d'Angara seront repliées et au retour elles se déploieront et le premier étage de la fusée planera pour rejoindre l'aérodrome près du site de lancement.

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Ce n'est pas la première tentative de doter Angara d'ailes. Les ingénieurs s'appuient sur les études menées par le centre Khrounitchev au début des années 2000 et entre 2011 et 2013. A l'époque, l'idée d'une fusée avec des ailes avait été reconnue comme économiquement infondée. Qu'en sera-t-il cette fois? Nous le saurons dès ce printemps quand le centre Khrounitchev présentera le projet à la Commission militaro-industrielle.

«Les travaux de recherche et développement se poursuivent. Leurs résultats seront présentés au client quand le projet sera prêt», a indiqué le centre.

Le retour de Soyouz

La compagnie spatiale Energia, créée en son temps par Sergueï Korolev, a également décidé de revenir à la conception de lanceurs. C'est cette compagnie qui avait développé la fusée Vostok à bord de laquelle avait été envoyé dans l'espace le premier satellite, puis Iouri Gagarine, et ensuite les fusées les plus répandues Soyouz, utilisées encore aujourd'hui dans les programmes spatiaux de différents pays. Le nouveau lanceur de classe moyenne a emprunté le nom de son prédécesseur pour devenir Soyouz-5.

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Le développement de la fusée a commencé en 2017, et en avril 2018 RKK Energia a présenté la maquette du lanceur à Roscosmos. D'ici 2022, la nouvelle fusée devrait décoller pour la première fois du cosmodrome de Baïkonour. La préparation de la production avance à grands pas. Il est prévu d'utiliser Soyouz-5 aussi bien pour les lancements habités de cosmonautes à la Station spatiale internationale (ISS) qu'à des fins commerciales. C'est pourquoi le prix du lancement de la nouvelle fusée devient un paramètre tout aussi important que ses caractéristiques techniques.

«En parlant de l'attractivité commerciale et des paramètres tarifaires de la nouvelle fusée, nous tablons sur environ 56 millions de dollars pour l'ensemble des services de lancement. Aujourd'hui le coût du lancement chez SpaceX est de 62 millions de dollars. Le monde ne restera pas sur place: dès à présent Elon Musk promet une diminution du prix jusqu'à 48 millions de dollars avec une tendance à la baisse. Nous nous fixons également pour objectif de réduire les prix du complexe spatial sur la base des lanceurs Soyouz-5 aussi bien sur le plan technique qu'organisationnel, ce qui nous permettra de rester compétitifs», a déclaré le directeur général de RKK Energia Vladimir Solntsev.

Outre les lancements de Baïkonour, dans les années 2020 cette même fusée devrait remplacer les lanceurs Zenit pour organiser des lancements depuis le cosmodrome flottant Morskoï Start racheté en 2016 par la compagnie S7.

«Pour la première fois en Russie, dans le cadre d'un partenariat public-privé, nous essayons conjointement avec la compagnie S7 de créer un lanceur sur la base du Soyouz-5 en version commerciale — avant tout pour les lancements depuis la plateforme Morskoï Start. Du point de vue de la construction, ce dispositif et ce lanceur seront unifiés au maximum pour les programmes habités russes. Les deux versions sont élaborées parallèlement mais la fusée commerciale, au fur et à mesure de la réduction de son coût, dépassera la version de base de Soyouz-5 et la tirera vers la baisse des prix», a expliqué le chef de RKK Energia.

Les spécialistes de l'entreprise ont déjà commencé à rédiger le cahier des charges pour élaborer la version commerciale de la fusée Soyouz-5 pour S7. Le cahier des charges sera suivi du développement de la maquette de cette fusée.

RKK Energia n'exclut pas qu'au final Soyouz-5 soit doté d'une version réutilisable tout comme la fusée d'Elon Musk. Voici les mesures supplémentaires étudiées par la compagnie pour réduire le coût des lancements: la descente du premier étage de la fusée en parachute ou son atterrissage réactif comme Falcon 9, ou encore le retour en parachute seulement de sa partie la plus chère, les moteurs, dont le prix représente jusqu'à 30% de la valeur de l'étage du lanceur.

«Aujourd'hui nous avons pour objectif d'étudier plus en détail la possibilité du retour (de la fusée). Mais pour l'instant ce travail est facultatif: nous devons surtout vérifier dans quelle mesure c'est réellement utile, parce que le prix inévitable à payer pour remplir certaines tâches fonctionnelles est la réduction du poids de la charge utile embarquée. Nous devons examiner plusieurs solutions techniques», précise Vladimir Solntsev.

La «Couronne» de la construction spatiale russe

Le Centre aérospatial Makeev de l'Oural, concepteur des missiles intercontinentaux balistiques de nouvelle génération Sarmat et des missiles Sineva et Laïner, développe sa propre fusée réutilisable. Ces dernières années, les spécialistes de l'entreprise travaillent sur la fusée réutilisable Korona (couronne). Il devrait s'agir d'une fusée à un étage, qui reviendra sur Terre entièrement et non sous la forme d'un premier étage détaché comme chez SpaceX ou Blue Origin.

«A ce jour, les recherches techniques et économiques ont été effectuées et un calendrier efficace de développement du lanceur a été élaboré. Nous avons analysé les conditions nécessaires pour sa création, les perspectives et les résultats aussi bien de la conception que de l'exploitation du lanceur prévu», a déclaré l'entreprise.

Il est prévu de construire le lanceur à partir de matériaux composites en utilisant de nouveaux revêtements thermorésistants en carbone. Cela allégera la fusée et lui permettra de supporter des surcharges élevées pendant le vol. Après la sortie du satellite en orbite, la fusée doit atterrir elle-même grâce aux impulsions du moteur sur un train rétractable, de la même manière que Falcon. Et le lendemain de l'atterrissage, Korona sera à nouveau prête pour un décollage après maintenance.

Les développeurs prévoient au moins 25 lancements pour cette fusée, dont plusieurs éléments pourront servir au moins 100 fois.

Selon les estimations des ingénieurs, la fusée sera capable de lancer en orbite basse circumterrestre un chargement pouvant peser jusqu'à 7 tonnes. Falcon 9, dans sa version réutilisable, peut embarquer 13 tonnes.

«Les Américains ont mis au point la technologie de l'atterrissage en douceur du premier étage de la fusée-porteuse Falcon et sa réutilisation dans une fusée. La fusée-porteuse Korona, contrairement à l'américaine, ne possède pas d'étages séparables et elle est de facto un vaisseau spatial de décollage et d'atterrissage en douceur, ce qui ouvre la voie aux vols interplanétaires lointains avec un équipage», déclare Vladimir Degtiar, directeur général du centre Makeev.

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