La Rada ukrainienne a appelé la communauté internationale à empêcher la construction du gazoduc Nord Stream 2. Les députés ukrainiens estiment que ce projet menace la stabilité politique en Europe et dans le monde. N'ayant pas réussi à en convaincre l'Allemagne, Kiev espère obtenir le soutien des États-Unis, écrit Nezavissimaïa gazeta. Les autorités ukrainiennes comptent également mettre sur la table l'Accord d'association entre l'Ukraine et l'UE.
«Le système ukrainien de transport de gaz est un enjeu stratégique non seulement pour l'Ukraine, mais aussi pour l'Europe», a ajouté Viktor Bondar, leader du parti «Renaissance». Il a rappelé que le transit de gaz russe via le territoire ukrainien rapportait annuellement 3 milliards de dollars au budget national: «Il est inacceptable, voire criminel, de perdre ces fonds». Cela arriverait pourtant si Gazprom transportait son gaz via des itinéraires contournant le pays.
Ioulia Timochenko a appelé les autorités ukrainiennes à lancer immédiatement les «négociations avec tous les États prêts à compléter notre système de transport de gaz ou à lancer des projets de terminaux de GNL pour alimenter le système ukrainien avec un autre gaz» que le russe.
Les Ukrainiens ont pour la première fois évoqué la nécessité de s'adresser à l'Occident il y a un mois, quand Gazprom a annoncé sa volonté de rompre ses contrats de livraison et de transit de gaz avec l'Ukraine, signés en 2009 pour une durée de 10 ans. Le vote d'hier au parlement ukrainien s'explique visiblement par la position de l'autorité allemande pour la navigation et l'hydrographie, qui a donné fin mars son approbation à la construction et à l'exploitation du gazoduc Nord Stream 2 dans la zone économique exclusive de l'Allemagne. Il s'agissait du dernier permis nécessaire pour lancer la mise en œuvre du projet sur le territoire du pays.
Hans-Peter Siebenhaar, du quotidien allemand Handelsblatt, a récemment expliqué pourquoi l'Occident devait comprendre son intérêt à la mise en œuvre de ce projet. Il indique que l'Ukraine pourrait perdre près de 55 milliards de m3 de transit par an, ce qui explique la position du président ukrainien qui critique les partisans du «projet du siècle» et les considère comme les «complices de la Russie dans ses guerres hybrides».
L'Occident a pourtant ses propres intérêts, et ils ne sont pas qu'économiques.
«Les expulsions réciproques de diplomates font resurgir les souvenirs de la Guerre froide, indique le journal allemand. Le silence et le manque de compréhension entre les deux parties ont récemment atteint un niveau inédit». Il est donc nécessaire de revoir la politique étrangère envers la Russie: «Près d'un quart de siècle après, l'Europe a besoin d'une nouvelle interprétation de la doctrine de politique étrangère de l'ancienne coalition socio-libérale».
Dmitri Marounitch, coprésident du Fonds des stratégies énergétiques, a indiqué à Sputnik que Kiev ne pouvait, dans ce contexte, que prier l'Occident — ce que la Rada a justement fait. Par ailleurs, l'article de Handelsblatt souligne: «Les États-Unis, exportateurs agressifs de gaz, sont manifestement mécontents de ces évolutions (de la future construction du Nord Stream 2). Les États-Unis veulent vendre les volumes les plus importants possibles de gaz liquéfié à l'UE». Selon les experts, les prix actuels ne permettent pas pour le moment de parler de l'apparition sur le marché européen de volumes de GNL américain susceptibles de remplacer les importations de gaz russe.
D'après Dmitri Marounitch, les États-Unis pourraient influer sur la position des Européens. Ainsi, un groupe de 39 sénateurs américains a récemment demandé au ministère des Finances et au département d'État de bloquer la mise en œuvre du Nord Stream 2. Ils ont rappelé que le président Donald Trump avait signé en août dernier la loi «pour contrer les adversaires de l'Amérique au moyen de sanctions». Il est théoriquement possible que les États-Unis mettent les entreprises participant au projet Nord Stream 2 sur une liste de sociétés sanctionnées, estime l'expert. Il rappelle pourtant que la loi prévoit des consultations obligatoires avec les Européens. «Il est actuellement évident que le gouvernement allemand est absolument contre et n'a aucune envie de concerter des sanctions de ce genre contre Nord Stream 2», souligne Dmitri Marounitch.
Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.