Un de vendu, dix de volés. En France, plus de 200.000 utilisateurs français de Facebook auraient été touchés par le scandale Cambridge Analytica. La société aurait profité d'une application tierce baptisée «Thisisyourdigitallife», un «questionnaire» que seulement 76 personnes en France ont installé, mais qui a touché en réalité 211.591 personnes «car elles étaient amies avec une personne ayant installé l'application thisisyourdigitallife», explique le réseau…
Empêtré dans l'affaire CA, qui utilisait des données personnelles à des fins politiques, Mark Zuckerberg a tenté de jouer la carte de la transparence et a reconnu lui-même que la quasi-totalité de ses 2 milliards d'utilisateurs était de fait exposée au vol de leurs données.
À quelques jours d'une audition au Congrès, le réseau social, «pris la main dans le sac», n'avait pas d'autre choix que la transparence, mais la confiance est déjà rompue, estime Antoine Lefébure, historien et expert des technologies de la communication.
«C'est un aveu a posteriori, pris la main dans le sac. Il faut le relativiser, estime l'expert. Il prépare la deuxième phase, en disant que la fonctionnalité de recherches d'utilisateurs qui rendait tout utilisateur de Facebook piratable, cette fonctionnalité disparaît.»
Un coup de comm', puisqu'aucune de ces mesures n'est révolutionnaire: elles sont déjà imposées par l'UE. Néanmoins, elles témoignent d'une certaine «bonne volonté», selon Antoine Lefébure:
«Ils vont supprimer quelques fonctionnalités qui permettaient aux entreprises de pirater les données via des prestations techniques. Ça va un peu améliorer les choses, mais ça ne va pas les changer fondamentalement. […] c'est un témoignage de bonne volonté qui ne va pas leur coûter très cher techniquement.»
La Commission européenne avait demandé la semaine dernière au réseau social de lui fournir des explications sur le scandale lié à la société Cambridge Analytica. Par le biais de l'un de ses porte-parole, Christian Wigand a fait savoir qu'il allait «étudier dans le détail» la réponse du réseau social.
«Mais il apparaît déjà que d'autres discussions seront nécessaires», a-t-il ajouté, précisant qu'il y aurait un «appel téléphonique en début de semaine prochaine» entre la Commissaire européenne chargée de la Justice, Vera Jourova, et la numéro 2 de Facebook, Sheryl Sandberg.
«C'est possible qu'il y ait des sanctions financières. Il y a déjà des interrogations sur le modèle économique et le fait qu'il ne paie pas d'impôt. Cela va être utilisé contre Facebook pour les faire payer un peu plus», estime l'expert des technologies de la communication.
Dans la foulée, un appel à supprimer Facebook est apparu sur le réseau. Mais l'indignation devrait se limiter à une méfiance accrue, plus qu'à une réelle défection en masse:
«Je ne pense pas qu'il va y avoir une grande vague de désinscription. Je pense surtout que les gens vont être plus vigilants et attentifs à ne pas mettre des données qui peuvent être communiquées à des entreprises.»
Quant à savoir si Facebook va changer son modèle économique, c'est-à-dire se payer en utilisant les données qui sont sur le réseau, Antoine Lefébure en doute: «C'est la seule manière de rentabiliser son service»:
«Il n'y a aucun moyen pour Facebook de changer son modèle économique. La publicité ne suffit pas, alors que Google est beaucoup plus fort en publicité et donc peut faire évoluer plus facilement son modèle économique d'utilisation de données personnelles».