Brouille diplomatique entre Rome et Paris. Vendredi 30 mars, les douanes françaises ont effectué un contrôle côté italien, a priori sans autorisation… Turin a ouvert une enquête préliminaire pour «abus de pouvoir» et de «violation de domicile», avant que le ministre de l'Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, ne présente ses excuses à l'Italie pour ce «malentendu», dans une interview accordée au quotidien italien Corriere della Sera.
«C'est caractéristique de ce qui peut se passer. On a un fonctionnement à la fois absurde, qui fonctionne mal, avec des moyens assez faibles et des forces de l'ordre parfois amenées à faire des choix de manière isolée», commente le sénateur de l'Isère Guillaume Gontard.
L'intrusion de douaniers français dans les locaux d'une ONG en Italie a provoqué l'indignation à Rome: le ministère italien des Affaires étrangères a évoqué «un acte grave, considéré totalement en dehors du cadre de la collaboration entre États frontaliers».
«Les forces de l'ordre sont rentrées dans un local utilisé par une association, avec toutes les questions que ça pose. Nous sommes en train de documenter pour en savoir plus, revoir les bases juridiques, et nous faire un avis très précis»,
commente Émilie Pesselier, chargée de mission à la frontière franco-italienne pour l'Anafé (Association Nationale d'Assistance aux Frontières pour les Étrangers).
«Est-ce que ça va cristalliser les tensions? On ne sait pas… mais côté italien, les tensions sont plus perceptibles en ce moment»,
poursuit-elle. Mais selon le sénateur, le problème est plus vaste:
«Ce n'est pas qu'entre la France et l'Italie. C'est à l'échelle européenne. Avec l'Italie, comme la Grèce ou d'autres pays, c'est important que les autres pays prennent leur part, et pour l'instant la France en est loin».
À quelque 300 km plus au sud, aux côtés de Myriam Laïdouni-Denis, conseillère régionale EELV et de Michèle Rivasi, eurodéputée du Grand Sud-Est, le sénateur Guillaume Gontard s'est rendu le 31 mars dans les locaux de la Police Aux Frontières (PAF) de Menton, où «il se passe des choses qu'on a un peu du mal à documenter en tant qu'association», commente Emilie Pesselier, également du voyage.
«Ce qui se passe, c'est que les personnes qui soit sont arrêtées, soit se présentent à la frontière, sont quand même privées de leur liberté, explique le sénateur. Ils sont enfermés dans des conditions plutôt spartiates, et sans respecter la séparation entre majeurs et mineurs, entre hommes et femmes»,
poursuit-il, reconnaissant également des conditions de travail pénibles pour les forces de l'ordre:
«Déjà, on a vu des conditions plutôt difficiles pour les policiers, leurs conditions pour travailler sont assez réduites.»
Mais d'autres entraves au droit français empêchent les migrants de faire le point sur leur situation, avec les autorités françaises… comme celle des cases «précochées», faisant passer les mineurs pour des majeurs.
«C'est-à-dire que définir exactement la majorité, ce n'est pas évident. Mais c'est vrai qu'il y a une manière de faire… les papiers sont déjà remplis, souvent préremplis, et on demande juste à la personne de signer en bas. Et en général, beaucoup sont nés le 1er janvier 2000…»
«On a des stratégies mises en place au niveau de l'administration pour refouler des mineurs en les faisant passer pour des majeurs. […] Le tribunal administratif rappelait qu'en cas de doute, quand il y a quelqu'un qui se présent comme mineur, eh bien se doute doit bénéficier au mineur, et une protection doit être assurée», poursuit la militante.
Dans les Alpes-Maritimes, se sont près de 46.000 étrangers en situation irrégulière qui ont été interceptés alors qu'ils tentaient de pénétrer en France. Selon la préfecture, 350 passeurs ont également été interpellés l'année dernière.
«Ils se présentent à la frontière avec ce papier leur signifiant le refus d'entrer sur le territoire et ensuite repartent à pied en Italie, ou parfois sont reconduit jusqu'à la frontière italienne… la plupart du temps, ils repartent à pied,»
explique Guillame Gontard, dénonçant «l'absurdité de la chose»…
«On a des gens qui viennent se présenter, qui repartent, et reviennent le lendemain, et ainsi de suite… […] On nous parle d'état de droit, mais on a pu constater que le droit actuel n'était pas appliqué. […] Voir ces conditions, ce fonctionnement, cette absurdité de fermeture des frontières, bien sûr que ça va nous servir le projet de loi qui va être débattu»,
explique le sénateur, qui compte débattre de la politique d'accueil de la France lors du projet de loi «Asile et immigration», qui commence à être discuté à l'Assemblée nationale et arrivera en débat au Sénat au mois de mai.