La Turquie a décidé d'acheter des S-400 russes pour satisfaire ses besoins dans le domaine de la défense antiaérienne, a déclaré dans une interview accordée à Sputnik Mesut Hakki Casin, officier à la retraite des forces armées turques et professeur de la chaire des relations internationales à l'Université Istinye (Istanbul). Il a rappelé que la Russie et la Turquie réalisaient actuellement le projet de construction de la centrale nucléaire d'Akkuyu, soulignant que cet ouvrage était vital pour le pays du point de vue stratégique et militaire et qu'il serait protégé par les systèmes russes.
«Je pense que les S-400 seront particulièrement efficaces pour protéger la centrale, a-t-il noté. La Turquie a pris la décision d'acheter ces systèmes en premier lieu en partant de ces considérations. J'estime que l'achat de S-400 par la Turquie ne portera pas préjudice aux relations en tant qu'allié avec l'Otan.»
Commentant l'information sur une éventuelle introduction de sanctions américaines contre des sociétés russes du secteur de la défense en cas d'achat de S-400 par la Turquie, Mesut Hakki Casin a expliqué sa vision de la situation.
«C'est une tentative de faire pression sur la Russie, a-t-il estimé. Dans le même temps, les États-Unis veulent renforcer la pression sur la Turquie, mais le pays a déjà pris sa décision. Chaque pays est en droit d'acheter le système d'armement dont il a besoin et la présence au sein de l'Otan n'y est pour rien.»
Et d'ajouter:
«D'autant plus que le S-400 n'est pas un système d'attaque, mais un complexe de défense antiaérienne pour les altitudes basses et moyennes. L'accord sur les S-400 est un pas sur le chemin du développement de la collaboration dans le secteur spatial et l'aérospatiale.»
Il a noté que la Turquie avait conclu des ententes avec la France et l'Italie au sujet d'une mise au point commune de systèmes sol-air moyenne-portée terrestre (SAMP/T) qui répondent aux exigences de l'Otan et a évoqué également une éventuelle proposition de Washington de livrer des missiles Patriot à Ankara. Dans ce contexte, il a fait remarquer que la Turquie pourrait exploiter parallèlement les S-400, les SAMP/T et les Patriot et a rappelé que les forces armées turques étaient d'ores et déjà dotées de ces derniers.
«La Turquie possède les ressources nécessaires pour exploiter les trois systèmes à la fois: S-400, SAMP/T et Patriot, car la situation à la frontière irakienne et l'opération en Syrie ont fait ressortir un sérieux besoin de systèmes antiaériens», a-t-il dit.
Selon lui, les performances techniques des S-400 et des Patriot sont très différentes. Ces systèmes auront un rôle important à jouer.
D'ailleurs, a-t-il noté, «la Turquie n'est pas le seul pays de l'Otan à posséder des systèmes de défense russes. À l'heure actuelle, des complexes de défense antimissile russes sont présents dans sept pays de l'Otan dont des anciens membres du bloc de l'Est et la Grèce».
D'après lui, la préoccupation exprimée par certains pays de l'Otan qui estiment que des informations secrètes de l'Otan pourraient se retrouver aux mains de la Russie si Ankara opte pour les systèmes S-400 est absolument injustifiée.
«Répondant à de telles déclarations dénuées de tout fondement, la Turquie a souligné que ces armes seraient intégrées non dans le système défensif de l'Otan, mais dans le système national de défense de la Turquie», a-t-il expliqué.
En septembre dernier, le Service fédéral russe pour la coopération militaire et technique (FSVTS) avait annoncé que Moscou et Ankara avaient signé un accord prévoyant la livraison de plusieurs systèmes S-400 en Turquie.
Le S-400 Triumph est le système de défense antiaérienne et antimissile russe le plus moderne, capable également de détruire des cibles terrestres. La portée des missiles qui équipent les S-400 dépasse les 400 kilomètres. Ils peuvent en outre atteindre une altitude de 30 kilomètres.