«Je vais être franc avec vous, pour moi c'est assez pathétique, heureusement que le ridicule ne tue pas sinon on aurait des inquiétudes à avoir sur sa santé. Apparemment, il n'a pas appris de ses erreurs, il n'a pas appris du piteux bilan diplomatique […] dont il est l'auteur —entre autres, avec son entourage et ses conseillers-, il reste sur la même ligne atlantiste, néoconservatrice, à la française.»
En effet, François Hollande semble estimer que ses compatriotes ne peuvent se passer de son expertise. Si comme son prédécesseur, il multiplie les conférences «tarifées» aux quatre coins du monde à l'occasion d'évènements internationaux, contrairement à lui, François Hollande n'hésite pas à sortir de son devoir de réserve, qu'il s'agisse de critiquer la politique de son ex-ministre de l'Économie ou encore d'exprimer son opinion sur des dossiers internationaux tels que le dossier syrien ou la Russie.
«La Russie se réarme depuis plusieurs années et si elle est menaçante, elle doit être menacée»,
déclare ainsi l'ancien chef d'État, dans cette tribune, qui a pour toile de fond la situation humanitaire à la Ghouta orientale ou encore dans le canton d'Afrin au nord de la Syrie. Soulignant la constance de sa fermeté à l'égard de son homologue syrien, il appelle à des mesures d'urgence: instauration de zones d'exclusion aérienne au-dessus de la Ghouta et d'Afrin, élargissement des «lignes rouges» aux bombardements «délibérés des populations civiles», les lignes rouges ne pouvant pas «concerner les seules armes chimiques».
Tout en critiquant les actions militaires de la Turquie, alliée de la France via l'OTAN, envers les Kurdes du nord de la Syrie, l'ancien chef d'État appelle «les puissances démocratiques»- insistant sur le mot «démocratique»- à «prendre conscience de leur responsabilité» ainsi que du risque que représente la Russie si «aucune limite ne lui est fixée». La Russie «qui, face à l'inertie des pays occidentaux, appuie le régime [Syrien, ndlr] et contribue même aux exactions».
Pour François Hollande, «le sujet est de savoir comment nous devons réagir face à Vladimir Poutine, plus que face à Bachar Al-Assad». Selon lui, la non-intervention militaire en Syrie en 2013- en réponse à l'attaque chimique de la Goutha- aurait lancé un mauvais signal à la Russie. Ainsi, «le régime syrien n'a pas été le seul à se croire tout permis. Vladimir Poutine a compris qu'il pouvait annexer la Crimée et déstabiliser l'est de l'Ukraine sans risquer d'être mis en cause autrement que par des sanctions.»
Pour Roland Lombardi, l'inflexibilité de la position de François Hollande sur un dossier particulièrement grave que le conflit syrien a non seulement rendue totalement inaudible la voix de la France —exclue des processus de paix- «nous restons inaudibles, car discrédités par nos politiques et nos positions passées» regrettait l'expert dans une interview accordée à Atlantico fin février. «Il faut bien comprendre qu'en relations internationales, l'autopersuasion n'a que peu d'effets et se dire à longueur de discours que la France reste une "grande voix" n'aura absolument pas de résultats concrets sur le terrain,» expliquait-il alors.
Comme nous le confiait un ex ministre socialiste qui le connait bien — je le cite — "la seule géopolitique que FH comprend c'est celle des rapports de forces au sein du bureau exécutif du PS".
— Georges Malbrunot (@Malbrunot) 12 марта 2018 г.
Une inflexibilité, vis-à-vis d'un conflit complexe et changeant, qui traduit également le manque de discernement caractérisé de l'ex-Président socialiste, tant sur le dossier syrien que des relations internationales de manière générale.
«François Hollande a démontré, n'ayons pas la langue de bois, qu'il avait un costume trop grand pour lui, ce n'était pas un homme d'État, mais plutôt un mauvais politicien, l'archétype du mauvais énarque déconnecté des réalités de ce monde, ayant une méconnaissance totale des arcanes internationaux», souligne Roland Lombardi.
Notre expert, à la décharge de l'ancien chef d'État, souligne le poids de la «diplomatie économique» menée par la France, notamment vis-à-vis de ses partenaires du Golfe. Cependant, à cette tendance vieille de plusieurs décennies est venue s'ajouter une autre bien plus récente…
«Depuis quelques années s'est rajouté à cela une diplomatie émotionnelle qui nous a complètement décrédibilisés, surtout dans le monde arabe […] En gros, la France est considérée comme une petite puissance qui donne des leçons moralisatrices, mais qui est prisonnière des contrats qu'elle essaie —parce qu'ils ne sont pas tous- de signer avec les émirats du Golfe.»
Allusion à peine voilée à ces 30 milliards d'euros de contrats que Ryad avait fait miroiter à Paris, au début du quinquennat de François Hollande, afin de s'assurer d'un soutien sans faille de la France sur le dossier syrien. «L'instrumentalisation de la France par le royaume saoudien pour faire pression sur l'administration Obama sur le dossier syrien est manifeste», expliquait le magazine Marianne en mars 2016 dans un dossier spécial sobrement intitulé «Comment la France se vend à l'Arabie Saoudite: le déshonneur».
Une enquête publiée dans la foulée de la remise de la Légion d'honneur à Mohamed ben Nayef, ministre de l'Intérieur de l'Arabie saoudite, des mains de François Hollande. Mohamed Ben Nayef, neveu du roi et pressenti pour lui succéder… jusqu'à ce qu'il soit déposé par décret, un an plus tard, au profit de Mohammed ben Salmane.
Un alignement —tarifé- de la politique étrangère française sous le quinquennat socialiste qui n'avait pas porté (tous) ses fruits, beaucoup de contrats n'ayant finalement pas été honorés par Ryad. Depuis, si les Saoudiens ont revu leurs attentes à la baisse, se rapprochant de Moscou, François Hollande «reste sur un vieux logiciel», comme le souligne Roland Lombardi, étonné que la politique française n'ait alors pas suivi les intérêts français.
«Il reste sur sa position anti-Bachar, comme il l'a fait par le passé pour faire plaisir à nos riches clients du Golfe. Là aussi, il n'a pas compris l'évolution du pouvoir à Ryad qui a mis —si j'ose dire- de l'eau dans son vin et qui est en train de négocier en coulisses avec les Russes pour justement rester dans le jeu en Syrie et sauver les milices auxquelles elle apporte son soutien.»
Une inimitié qui ne date pas des récentes opérations militaires menées par Ankara dans le Nord syrien. Comme le rappelle Georges Malbrunot, dans son livre Nos très chers Émirs (Éd. Michel Lafon, octobre 2016) —coécrit avec son confrère de France-Inter, Christian Chesnot-, lorsqu'il était au pouvoir, François Hollande ne cachait pas son inimitié pour Recep Tayyip Erdogan, qu'il «traite de fasciste en conseil restreint de défense», d'après un haut gradé.
Moins discrètement- mais toujours sur fond de crise syrienne- en octobre 2016, François Hollande avait fait le choix de menacer Vladimir Poutine. Depuis son fief de Tulles, lors d'une interview accordée, en octobre 2016, à un journaliste de l'émission Quotidien (TMC, TF1) le chef de l'État accusait les forces bombardant les quartiers d'Alep-Est de «crimes de guerre», estimant que «ceux qui commettent ces crimes devront en payer la responsabilité, y compris devant la Cour pénale internationale.»
En réponse à cette interview, Vladimir Poutine annulait sa visite à Paris —qui était alors prévue dix jours plus tard. En plus de subir un camouflet diplomatique, qui n'avait échappé ni à l'opposition ni à la presse française, l'incident provoqué par François Hollande était venu aggraver les tensions entre l'Europe et la Russie.
Un humanisme militant de François Hollande qui n'affecte pas tous ses partenaires de la même manière. Ainsi on remarquera que si «la question des droits de l'homme» lui fut chère tout au long de son quinquennat lorsqu'il était question de dialoguer avec Moscou, les décapitations sommaires de femmes en pleine rue par des policiers saoudiens —toujours de vigueur dans le Royaume wahhabite- ne l'ont visiblement pas particulièrement ému.
D'ailleurs, François Hollande s'alliera aux autres «puissances démocratiques» afin de fournir un appui précieux à Ryad pour mener sa guerre au Yémen. Un conflit que l'ONU a récemment qualifié comme étant la «pire crise humanitaire», le tout dans une indifférence notoire tant de l'exécutif que des médias français.
Rolland Lombardi espère néanmoins assister à une «évolution positive» de la ligne diplomatique française sur le dossier syrien, évoquant la rupture que marque Emmanuel Macron vis-à-vis de son prédécesseur sur le dossier. Une rupture, tant dans l'image que renvoie le jeune chef d'État —notre expert tenant à souligner l'importance de ce critère dans le jeu des relations internationales-, que dans son approche plus pragmatique des dossiers internationaux. Néanmoins, Rolland Lombardi tient à rester prudent, notamment concernant les réticences que pourrait opposer le Quai d'Orsay à toute remise en cause de la diplomatie économique.
«J'attends de voir, je reste encore méfiant, parce que je sais encore qu'on pense souvent aux contrats signés plus qu'à nos intérêts sécuritaires et géostratégiques.»