Élections en Italie: la botte au pied du mur européen

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Victoire des antisystèmes du M5S et des eurosceptiques de la Ligue, défaite de Berlusconi et débâcle de la gauche: le scrutin italien pose d’énormes défis pour le pays comme pour l’Europe. Une incertitude qui fait monter un suspense digne des meilleurs gialli. Analyse avec Mario Borghezio, ancien secrétaire d’État et député européen de la Ligue.

«L'Italie ingouvernable». Le titre de la Stampa, l'un des principaux journaux italiens, résume bien la situation politique chez nos voisins transalpins au lendemain des élections du 4 mars dernier, qui se sont soldées par une victoire des partis eurosceptiques.

«Il y a très certainement une forte affirmation des partis qu'on a définis comme populistes —à droite, la Ligue; à gauche, Cinq Étoiles. Ensemble, les deux mouvements ont presque la majorité de l'électorat italien», analyse pour Sputnik Mario Borghezio, député européen de la Ligue et secrétaire d'État dans le premier gouvernement de Silvio Berlusconi.

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Le Mouvement 5 Étoiles- M5S (Movimento 5 Stelle)- de l'humoriste Beppe Grillo est arrivé en tête du scrutin avec 32,7% des voix, soit 133 sièges, selon les derniers résultats officiels. Bien qu'il se soit récemment déclaré pro-européen, ce parti a tenu par le passé des discours très critiques à l'égard de l'Union européenne et a, à plusieurs reprises, défendu une sortie de l'euro.

Donnée un temps devant le M5S, l'alliance des deux mouvements de droite est finalement juste derrière, à 32,4% des suffrages. Cette alliance est composée d'une part de la Ligue, le parti souverainiste et anti-immigration, héritier de la Ligue du Nord et dirigé par Matteo Salvini et d'autre part du mouvement de Silvio Berlusconi, Forza Italia. La première formation est en tête avec 17,4% des voix et 73 sièges, contre 14% et 59 sièges pour l'ancien chef de gouvernement.

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Bien que l'alliance des droites puisse compter sur les voix des petits partis Fratelli d'Italia (4,3%) et Noi con l'Italia (1,3%), cela ne lui permet mathématiquement pas de gouverner. Pourtant, Mario Borghezio se montre confiant quant à la possibilité pour la droite de former un gouvernement:

«Nous avons, tous ensemble [les différents partis de l'alliance des droites, ndlr], au moins 37% et il y aura certainement des députés libres qui voudront assurer une majorité et un gouvernement à l'Italie. Je pense qu'il y aura une majorité de centre-droit.»

Parallèlement, la gauche est confrontée au pire scénario. Le Parti Démocratique, dirigé par Matteo Renzi, n'a obtenu que 18,7% des voix. Une débâcle qualifiée d'«effondrement historique de la gauche» par la politologue Elena Musiani dans Le Monde.

Au-delà de ces résultats nationaux, une donnée est importante pour comprendre l'état de l'Italie. Le refus des politiques centristes menées par Mario Draghi et Matteo Renzi a provoqué le rejet de la population. Un rejet qui s'est exprimé de manière différente dans le Nord et dans le Sud du pays.

​Au Nord, bastion historique de la Ligue, le parti de Salvini a fait d'excellents scores et remporté la majorité dans cinq des huit régions. Le parti anciennement régionaliste et autonomiste a voulu passer à l'échelle nationale. Si ce n'est pas une réussite flamboyante, la formation de droite a tout de même réussi à conquérir le Latium et l'Ombrie.

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Au Sud, en revanche, le vote contestataire s'est exprimé en faveur du Mouvement 5 Étoiles. Le parti antisystème a même réalisé une percée dans les îles, s'emparant de la majorité, tant en Sicile qu'en Sardaigne. Pour Elena Musiani, cette division du pays est le reflet de «l'inachèvement de l'unité de la nation italienne» et des inégalités persistantes entre le Nord industrialisé et le Sud.

La nouvelle assemblée italienne, dominée par des eurosceptiques, porte un coup à la vague d'optimisme qui traversait Bruxelles depuis l'élection d'Emmanuel Macron.

«La Ligue devra prendre une initiative très forte pour avoir une Europe différente.»

Mario Borghezio précise ensuite sa pensée:

«La Ligue sera le fer-de-lance de la nouvelle majorité gouvernementale italienne pour renforcer la position d'une Italie qui a été très pénalisée [par l'Europe, ndlr], pas seulement sur l'immigration, mais aussi au niveau social, économique et financier.»

Alors que le Président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, faisait part de son inquiétude quant aux résultats des élections en Italie, Nigel Farage, figure du parti europhobe UKIP, félicitait M. Grillo pour la victoire du M5S et déclarait que «L'euroscepticisme se redresse».
Une position que ne comprend pas le député européen de la Ligue. M. Borghezio considère en effet que, de par ses positions sur l'immigration et la politique étrangère, l'UKIP est plus proche de leur parti.

«Quand nous écoutons les interventions du parti UKIP et de 5 Étoiles au Parlement européen, nous écoutons des discours très différents, sur l'immigration par exemple.»

Interrogé sur la possibilité que la Ligue apporte son soutien au couple franco-allemand pour une réforme ambitieuse de la zone euro et une intégration renforcée, le député répond par la négative:

«Je pense que la Ligue continuera dans sa politique de réalisation d'une Europe des peuples contre les grands pouvoirs mondialistes et la puissance financière. Ce sont des puissances […] contraires aux principes de la Ligue du Nord.»

À 15 mois des européennes, et alors que Viktor Orban est en bonne position pour être réélu en avril, que le PiS polonais jouit d'une excellente cote de popularité et que le FPÖ est au pouvoir en Autriche, les eurosceptiques viennent de remporter en Italie une victoire importante qui viendra conforter les conservateurs partout en Europe. 

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