«Alors comment allier ce "en même temps" que nous propose notre Président Macron, comment à la fois dialoguer avec la Russie, dont je comprends l'importance que je soutiens, et en même temps, on ne peut pas non plus mettre de côté ce comportement de la Russie?»
Le 21 février dernier, la célèbre académicienne et spécialiste de la Russie, Hélène Carrère d'Encausse, intervenait en effet dans le cadre d'une audition à l'Assemblée nationale à propos de «la Russie et sa politique extérieure».
Remerciant Mme Hélène Carrère d'Encausse, Anne Genetet, qui a remplacé Thierry Mariani en tant que députée de la onzième circonscription des Français établis hors de France et qui a donc la responsabilité des Français établis en Russie, résume les trois souhaits de la Russie qu'a établis son invitée:
«J'ai bien entendu dans vos propos que la Russie n'a pas d'ambition impérialiste, que la Russie a très envie d'être reconnue comme Européenne, qu'elle a très envie de reprendre un rôle sur la scène internationale, tout cela je l'ai bien entendu, j'ai bien compris les lumières encore une fois, de l'histoire que vous nous avez tracée.»
La Russie aurait donc très envie d'être reconnue comme un pays européen. Si elle «soutient» l'importance du dialogue entre la France et la Russie, Anne Genetet considère que les acteurs qui permettraient ce dialogue sont «placés dans une situation assez schizophrénique» parce que:
«On ne peut pas non plus ignorer le fait que la Russie a considérablement bafoué les droits de l'homme sur son propre territoire, qu'il y a des entreprises occidentales dont le capital a été spolié en partant en Russie, qu'il y a des problèmes de corruption, qu'il y a, ne serait-ce encore ces jours-ci, la Syrie a commis de crimes de guerre dans la Ghouta notamment avec 250 civils tués et dont plus de 60 enfants ces derniers jours, avec l'appui de l'aviation russe.»
Anne Genetet considère que certaines lois et politiques du Kremlin sont incompatibles avec les valeurs de la France et des pays européens et contrarient donc la stabilité des relations franco-américaines. D'autant plus que, contrairement à l'Allemagne, la Russie n'est pas considérée par une majorité de la population française comme un pays faisant partie de l'Europe:
«J'ai eu une communication, un échange avec un journaliste de Sputnik pas plus tard qu'hier, un sondage Ifop qu'ils avaient commandé, qui montre que près de 71% des Français pensent que la Russie n'est pas européenne.»
Si, en réalité ce ne sont que 65% des Français qui pensent que la Russie n'est pas européenne d'après le sondage Sputnik, cette proportion est assez significative, notamment, de la relation qu'entretient la Russie avec les pays européens et avec la France.
Si Hélène Carrère d'Encausse manquera de temps pour répondre à cette question, elle rappellera tout de même à la fin de son audition que:
«Vladimir Poutine est européen, au fond de l'âme. Il est européen, francophile. Ce qui s'est passé à Versailles quand il est venu était capital. Parce qu'il est venu, et surtout parce que le Président Macron a eu l'intuition qu'il fallait mettre Pierre le Grand dans le coup. C'était le tricentenaire du jour où Pierre le Grand avait établi les relations franco-russes, après que Louis XIV avait dit quelques années plus tôt: "pas de Pierre le Grand parce que ce n'est personne, les Russes n'existent pas". C'est là-dessus que le rapprochement a été fondé.»
Hélène Carrère d'Encausse conclura ainsi:
«La Russie en 1990 et même en 2000, n'avait qu'une seule idée. C'était d'entrer dans la famille européenne et dans la famille occidentale. Mais maintenant, 18 ans ont passé. Et l'idée maintenant c'est d'être dans les autres pôles aussi [BRICS, Coopération de Shanghai, etc., ndlr].»