Tunisie: un Juif sur une liste électorale islamiste, Le Gorafi en a rêvé, Ennahda l’a fait

© Sputnik . Natalia Seliverstova / Accéder à la base multimédiaФлаг Туниса.
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Le parti islamiste tunisien Ennahda présentera un Tunisien de confession juive, Simon Slama, sur sa liste des élections municipales. Une annonce qui s’inscrit selon le parti dans le droit fil de ses nouvelles orientations, alors que ses détracteurs ironisent sur un «strip-tease politique.»

Le 13 février, alors qu'Emmanuel Macron était pris dans la tourmente de la réorganisation de l'islam institutionnel en France, le site parodique «Le Gorafi» se fendait d'une annonce rocambolesque: «une femme Rabbin à la tête de l'Islam de France».

En Tunisie, l'anagramme avec le très sérieux «Le Figaro» fit son malheureux effet. Le site web d'une grande télévision privée jugea bon de reprendre l'article, tel quel, l'assortissant d'un très autoritaire «Agences»… avant de l'effacer quelques heures plus tard.

​Point de scandale, toutefois, la bourde étant excusable. Pour preuve, le parti islamiste Ennahda l'a fait. À défaut d'étendre sa juridiction à l'islam de France, le parti de Rached Ghannouchi présentera un Tunisien de confession juive aux municipales. L'information a été confirmée à Sputnik par Imed Khemiri, porte-parole du parti.

«Nos listes sont ouvertes aux indépendants (non encartés, ndlr), dont fait partie Monsieur Simon Slama. Quoi de plus normal? Cela s'inscrit dans le choix qui a été fait, après le 10e Congrès du parti (mai 2016, ndlr) de s'ouvrir à tous les Tunisiens et toutes les Tunisiennes, à toutes les composantes et compétences nationales.»

Les observateurs de la scène politiques de l'époque, qui avaient abondamment commenté le choix du parti de séparer le politique du religieux, étaient loin de se douter de la largesse d'esprit dont ferait preuve le parti islamiste. Un véritable «coup de maître», a commenté un chroniqueur dans une radio privée en évoquant une récente réunion de Juifs tunisiens à Belleville pour discuter et approuver de cette candidature.

Pour Jacob Perez, un Tunisien de confession juive, «Si Ennahda a désigné un Juif dans une liste de Monastir, alors considérez dès maintenant que je suis Ikhwan (Frères Musulmans).» proclame-t-il, estimant que «depuis l'indépendance, jusqu'à ce jour, aucun parti, aucune organisation ne nous a jamais rendu justice» Il répondait à un internaute saluant l'habilité d'Ennahda, qui a réussi un coup comme «les plus laïcs parmi les partis politiques n'oseraient jamais prendre».

Réagissant à l'annonce sur les ondes d'une radio privée, un responsable du parti Nidaa Tounes, associé au pouvoir avec Ennahda, fustigea «un strip-tease auquel s'adonne le parti islamiste en s'investissant dans les Juifs tunisiens.». Halal et Kasher pour une fois, a-t-il toutefois manqué de relever.

​«Un commentaire totalement déplacé», réagit pour sa part Imed Khemiri, le porte-parole d'Ennahda à Sputnik.

Pour Adnen Limam, ancien professeur de Droit à l'Université de Tunis et auteur de plusieurs ouvrages sur Ennahda, le parti islamiste a fait un coup de communication, sans prendre de gros risques.

«Ils ont placé ce Tunisien de confession juive dans leur liste de Monastir (ville du littoral tunisien), une circonscription où ils ne sont pas en bonne position. Pourquoi ne pas l'avoir fait ailleurs, notamment dans leurs propres fiefs, ou même à Djerba où il y a une forte communauté juive?», s'interroge Limam, dans une déclaration à Sputnik.

Pour cet écrivain tunisien, Ennahda cherche notamment à «faire passer un message au-delà des frontières», notamment «à l'endroit des Juifs du monde entier qui maîtrisent beaucoup de leviers».

Message subliminal, usage de faire-valoir, Ennahda ne serait pas la seule, en tout cas, à se prêter allègrement au marketing politique à la veille d'un scrutin local décisif. Dès lors, c'est l'achalandage de «personnalités nationales», artistes, sportifs, et autres célébrités, incrustés dans les listes électorales « dans le seul but de cacher l'absence de vrais programmes», commente Limam.

Prévues le 6 mai, après plusieurs reports, les élections municipales seront un levier incontournable d'enracinement de la démocratie locale. Elles permettront également, aux uns et autres, de se positionner, à moins de deux ans des prochaines élections générales. À quelques jours de la clôture des candidatures,

«Nous sommes sérieusement en train de penser à nous rabattre sur la communauté LGBT de Tunis. Même en l'absence de statistiques officielles, c'est tout de même un créneau autrement plus porteur que les Juifs de Tunisie, dont le nombre ne dépasse pas les 1500,», aurait pu dire un responsable de Nidaa Tounes, le parti au pouvoir… dans une déclaration au Gorafi.

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